« La colère est énorme », « tout s’est écroulé en 48 heures », les joueurs du Blagnac Rugby sous le choc après le dépôt de bilan

Le Blagnac Rugby attend de connaître la division dans laquelle il sera relégué (Crédit photo : Laurent Bonnet)
Demi-finaliste de Nationale la saison dernière, le club haut-garonnais est passé du rêve de la Pro D2 au cauchemar du dépôt de bilan. Face à de gros problèmes financiers, la SAS du Blagnac Rugby a été contrainte de mettre la clé sous la porte. Résultat, fin de saison pour les Caouecs qui étaient à la neuvième position de Nationale (troisième division). Encore abasourdis par la nouvelle, plusieurs joueurs ont accepté de se confier.

« Tout s’est écroulé en 48 heures », lâche avec dépit et amertume l’emblématique seconde ligne du Blagnac Rugby Vincent Mutel. Tout est allé vite, trop vite, pour les rugbymen du Blagnac Rugby. Lundi, ils ont découvert avec stupéfaction dans les médias que leur club était très sérieusement menacé par un dépôt de bilan comme nous vous l’avions confirmé sur notre site. En interne, les bruits de couloirs se sont donc multipliés et n’annonçaient rien de bon. D’autant plus que mardi, les entretiens sportifs consacrés à la saison prochaine ont été annulés après une réunion entre les coachs et la direction blagnacaise. Le couperet est officiellement tombé le lendemain à l’occasion d’une nouvelle réunion entre les dirigeants, les salariés et les joueurs. Les deux présidents Luc Vignolle et Gaëtan Alengrin ont annoncé le dépôt de bilan de la SAS du Blagnac Rugby. « Quelques joueurs ont pris la parole pour comprendre le pourquoi du comment », se souvient le demi d’ouverture Ugo Seunes. « Mais il n’y avait aucune solution à apporter. La colère est énorme. Je suis choqué. C’est énormément de sacrifices qui tombent à l’eau », regrette le troisième ligne Nekelo Tolofua qui honorait sa neuvième saison chez les Caouecs. « Tout le monde était abasourdi. C’est difficile d’avaler la pilule. On l’avale progressivement. On est déçus de ne pas avoir été informés. Je trouve que c’est un gâchis monumental d’avoir été mis devant le fait accompli », soutient Vincent Mutel, particulièrement touché par la terrible et inattendue situation que traverse son club. « Comme dans tous les clubs sportifs, on sait qu’il y a des périodes plus compliquées que d’autres. On savait qu’il y avait quelques soucis lors de la dernière intersaison au changement de présidence. Il n’y avait pas d’inquiétudes car il n’y avait jamais eu de retard de paiement », affirme celui qui est conseiller d’entreprise à France Travail en parallèle du rugby.

« L’impression d’avoir joué le dernier match de ma carrière »

Ce qui est encore plus dur à encaisser pour les Caouecs, c’est que leur saison est d’ores et déjà terminée. Il n’y aura pas de déplacement à Carcassonne le 9 février, ni même de nouveau match de Nationale cette saison dans leur antre d’Ernest Argelès. « Du jour au lendemain, il n’y a plus de matchs ni d’entraînements. On a joué notre dernier match sans le savoir. C’est encore plus dur de ne pas aller au terme de la saison. J’ai déjà connu un dépôt de bilan à Saint-Etienne en 2013. Ça avait été dur mais on avait pu continuer à jouer et mettre fin à l’aventure », se remémore Vincent Mutel. Du haut de ses 34 printemps, le seconde ligne passé par Pau et Narbonne « imaginait faire une saison supplémentaire en Nationale » avant de raccrocher les crampons. Après le dépôt de bilan du club dans lequel il évolue depuis 2018, Mutel a « l’impression d’avoir joué le dernier match de ma carrière samedi dernier sans le savoir. J’ai l’impression d’être déjà à la retraite. Ça fait un peu bizarre ».

Quelle suite ?

À présent, les joueurs du Blagnac Rugby n’ont d’autre choix que d’accepter la triste nouvelle et envisager la suite. Auteur de belles prestations cette saison, Ugo Seunes attend de savoir dans quelle division sera rétrogradé son club. « On devrait le savoir dans un mois », glisse le joueur de 23 ans. « C’est plus compliqué d’envisager de jouer la Fédérale 2 avec les différences de règles. Il n’y a pas d’arbitres de touche, on ne peut pas plaquer à deux », surenchérit l’ouvreur qui assure ne pas avoir encore cherché des portes de sorties en Nationale pour terminer cette saison : « Mon prochain match devrait être la saison prochaine ». Même son de cloche du côté de Nekelo Tolofua. L’ancien Carcassonnais attend lui aussi de connaître la future division du club haut-garonnais. « J’aviserai en fonction. C’est dur de trouver un club de niveau équivalent autour de Toulouse. Il y a Tarbes, Albi, Carcassonne. C’est à côté sans être à côté. Je suis père de famille. Ma femme et moi avons un boulot. C’est compliqué de bouger », explique l’aîné de la fratrie Tolofua (ses deux frères Sélévasio et Christopher évoluent à Toulon en Top 14).

Les salariés aussi victimes

Comme les joueurs, les salariés de la SAS se retrouvent eux aussi sur le carreau à l’issue du dépôt de bilan de la SAS. À l’image de Cédric Barrière, préparateur physique de l’équipe première. « J’étais salarié sur la SAS. Si je veux partir, je peux. Comme je m’entends très bien avec les joueurs et le responsable du centre de formation, je ne veux pas les laisser dans la merde. J’ai décidé de continuer jusqu’à la fin. Les assurances vont prendre en charge le défraiement pour tous ceux qui avaient un contrat avec la SAS », explique celui qui est également préparateur physique des Dauphins du TOEC. « Jeudi, on aurait dit que le Blagnac Rugby était en deuil. Je m’occupe de la séance de musculation du jeudi. La moitié des joueurs sont venus sur la base du volontariat. L’ambiance n’était pas du tout la même que d’habitude », confie Cédric Barrière qui est lié aux Caouecs jusqu’en juin prochain et qui va continuer d’exercer au sein du centre de formation du Blagnac Rugby.

La section féminine survit

Reposant sur l’association blagnacaise BSC Rugby, celui-ci n’est pas impacté par le dépôt de bilan de la SAS. Tout comme la section féminine qui évolue en première division nationale. « Ça aurait été très dur de se dire que c’est fini pour nous aussi », lâche Laura Belebbad. « On continue de s’entraîner comme d’habitude », témoigne la pilier avant d’ajouter : « Ça fait 27 ans que je vis à Blagnac. Mon père a joué et entraîné au club. Je suis une Caouec. Ça me fait de la peine de voir ce qui se passe ». « J’espère que ça va nous donner encore plus de force. Il faut qu’on continue pour les deux équipes », lance Laura Belebbad. Un titre de championne de France du Blagnac Rugby Féminin pourrait bien redonner le sourire au club haut-garonnais…

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