Reine pour un soir

La drag queen Oscura Bruja.
Récemment diplômé en cuisine, Adrien Cadène a choisi de consacrer sa vie à l’art du spectacle. Plus précisément à l’art du drag. Il devient au moins une fois par semaine Oscura Bruja, drag queen gothique et caractérielle. Un alter ego extravagant à l’image de la personnalité du jeune homme.

Récemment diplômé en cuisine, Adrien Cadène a choisi de consacrer sa vie à l’art du spectacle. Plus précisément à l’art du drag. Il devient au moins une fois par semaine Oscura Bruja, drag queen gothique et caractérielle. Un alter ego extravagant à l’image de la personnalité du jeune homme.

Adrien Cadène ouvre la porte de sa maison vêtu d’un peignoir et jogging noir avec aux pieds des chaussons bleu turquoise. « Il ne faut pas faire attention, je m’habille toujours comme ça quand je me maquille », dit-il en souriant. L’entrée donne sur le salon et, plus loin, la salle à manger. « Bon j’ai déjà tout sorti », déclare Adrien. En effet. Sur la table à manger, une couronne noire à strass, une perruque blonde, des palettes et des pinceaux de maquillage ainsi qu’un soutien gorge posé sur un collant.

Adrien baisse le son de la musique Ain’t My Fault de Zara Larsson depuis son ordinateur. Il s’assoit. Face à sa chaise, un cercle lumineux pour se maquiller avec la lumière idéale. Le reste de la maison est calme, ses quatre sœurs, sa mère et son beau-père ne sont pas là.

L’homme devient reine

Il commence à sortir un à un ses pinceaux d’un pot transparent et les aligne devant lui, force de l’habitude . « Il y a 5 mois, je ne m’étais jamais maquillé et n’avais jamais porté de talons. C’est venu d’un coup ». Il allume sa lampe circulaire, emballe ses cheveux dans son bonnet pour perruque. Première étape : cacher les sourcils. C’est en début d’année qu’il a commencé à se maquiller et à s’habiller en drag queen. Il a élaboré son style gothique et glamour en commençant à customiser des vêtements noirs.

Il rencontre alors Michel Romain, la quarantaine, barman au G-Girl à Toulouse. Il lui confie qu’il aime cet univers. Il se trouve que Michel, alias Nattachatte, est aussi drag queen et fait partie d’une websérie en tournage. « Nattachatte c’est ma mère drag, c’est la première drag queen qui m’a maquillé », ajoute Adrien. Après avoir couvert ses sourcils foncés d’une poudre blanche, il étale une bonne dose de fond de teint. « Quand on se maquille on se met du plâtre sur la gueule. Il en vaut mieux trop que pas assez comme on dit ! » Il procède au maquillage, serein et concentré.

Adrien a intégré, grâce à sa mère drag, la websérie Soirées Draguisées, en tant qu’Oscura Bruja, son nom de drag queen. Un goût pour la mise en scène qu’il a depuis son enfance. « On faisait des spectacles quand on était petits. Et même quand on jouait à papa et maman, à chaque fois il voulait le rôle de la fille », se rappelle Charlaine Cadène, la sœur d’Adrien âgée de 17 ans. « Il avait même déjà des manières », s’amuse-t-elle.

Adrien dessine ses sourcils à l’aide d’un pochoir. Il marque une pause, se regarde dans le miroir. Il bombe ses lèvres puis claque la langue comme pour apprécier son travail. Il continue de se faire belle et applique du fard à paupières noir et violet sur ses yeux.

Ses parents ont travaillé dans le milieu de la nuit, son père en tant que videur, sa mère en tant que barmaid en discothèque et en cabaret. Adrien l’accompagnait aux heures de fermeture et se prélassait souvent dans les coulisses. Un intérêt qu’il a toujours eu en lui.

La libération d’Adrien

Plus il se maquille, plus Oscura ressort. Le personnage se révèle avec son costume. Il devient éxubérante et confiante. Après le fard à paupières, Adrien ajoute du contour, du relief pour féminiser les traits du visage. Quelques dernières touches. Il vérifie chaque angle de son visage dans le miroir. Il lève les yeux. Ce n’est plus Adrien mais Oscura.

Crédits : Noémie Bouisset

La façon de parler est plus assurée, suave, les yeux plus perçants et elle se tient plus droite. Une fois vêtue d’une tenue au style mi-gothique mi glamour, une présence naturelle émane d’Oscura. Un blaser customisé avec des strass, décolleté, laisse paraître un soutien-gorge noir. En dépasse un short très court avec des collants filets et des cuissardes. Le tout évidemment noir, avec des accessoires casse-cou.

« La liberté. Pour moi, Oscura c’est la liberté de m’assumer ! Autant au niveau de la confiance que j’ai en moi qu’au niveau de mon homosexualité. Ça m’a beaucoup aidé »

Adrien Cadène, alias Oscura Bruja

« Au début j’étais méfiant, coincé. Maintenant je me sens beaucoup plus à l’aise, dans mon élément. » Avec un mouvement de sa longue chevelure blonde, Oscura montre sa tenue, défilant à l’image d’une mannequin.

Adrien n’osait pas se montrer autant à ses débuts, par peur de la critique. « On nous insulte, ça m’est arrivé plus d’une fois. Mais ce que les gens ne comprennent pas, c’est que le drag est juste une forme de spectacle. C’est pour le divertissement, pour s’amuser et passer un bon moment. Comme du théâtre ! » Un art apprécié de ses proches.

« La première fois que j’ai vu Adrien en Oscura c’était sur une photo, un portrait. J’ai vu la beauté, le côté artistique. C’est de l’art mais c’est aussi beau de voir l’épanouissement, surtout chez son enfant. C’était magnifique. »

Émilie Pebeyre Dias, la mère d’Adrien Cadène

« Je me suis dit, il se maquille mieux que moi ! », s’amuse la mère d’Adrien, Émilie Pebeyre Dias. L’autre mère d’Adrien, Nattachatte, admire aussi la beauté de cette pratique. « Le drag fait ressortir une forme de confiance en lui qu’Adrien n’a pas encore, au moins à ce niveau-là. J’ai hâte du jour où il saura se lâcher autant en Adrien qu’en Oscura ! »

Après un défilé rythmé par la musique exubérante de la drag queen, Oscura se rassoit devant son miroir. Elle s’estompe en moins de 10 minutes à l’aide d’une demi-douzaine de lingettes et de démaquillant. Il faut dire qu’Oscura est persévérante. Elle laisse tout de même place à Adrien, de nature plus calme, plus douce.

Elle va se changer et revient en peignoir et jogging noir.

Crédits : Noémie Bouisset

Devant l’entrée de sa maison, il allume une cigarette, le regard au loin. Un aperçu dissemblant de la drag queen, bien qu’il reste encore quelques paillettes collées à la peau du jeune homme.

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