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La dynamique du vélo gagne la périphérie : six communes accueillent VélôToulouse

La révolution vélo gagne la périphérie : six communes accueillent VélôToulouse
Station “Servanty AirBus” l’une des 16 stations de Blagnac 

Le 30 septembre 2025, la métropole toulousaine franchit une étape décisive en étendant le service VélôToulouse bien au-delà de son périmètre historique, avec l’ouverture de la première couronne. Blagnac, Ramonville-Saint-Agne, Balma, Labège, Aucamville et Tournefeuille rejoignent ainsi officiellement le réseau, permettant aux habitants de s’approprier le vélo comme un véritable outil de mobilité quotidienne. En misant sur l’intermodalité avec le métro, le tramway et les lignes de bus, la métropole cherche à fluidifier les trajets domicile–travail, à réduire la pression automobile et à proposer une alternative viable et durable aux déplacements du quotidien.

À la fin des années 2000, Toulouse était encore largement dominée par la voiture, près de 60 % des trajets. Les rues étaient souvent encombrées, le stationnement difficile, et la pollution commençait à se faire sentir. Les habitants cherchaient des solutions pour se déplacer plus rapidement et de manière plus pratique au sein du centre-ville, mais les alternatives étaient limitées. La marche restait surtout un moyen de transport utilitaire et les transports en commun, bien qu’existants, ne couvraient pas tous les trajets du quotidien.

Répartitions des moyens de déplacement dans la ville de Toulouse avant 2007
Répartitions des moyens de déplacement dans la ville de Toulouse avant 2007

Face à cette situation, la municipalité toulousaine souhaitait encourager des modes de déplacement plus durables et fluides. L’objectif n’était pas seulement de réduire les embouteillages ou la pollution, mais aussi de réinventer l’expérience urbaine, en rendant la ville plus accessible et agréable pour tous. Le vélo semblait alors une solution adaptée : simple, économique, écologique et capable de couvrir rapidement de courtes distances dans un centre-ville dense.

Le choix d’un service de vélos en libre-service répondait également à un enjeu social et pratique : il ne s’agissait pas de réserver le vélo aux passionnés ou aux propriétaires de cycles, mais de proposer un mode de transport abordable à tous, pour de courts trajets quotidiens. Cela permettait de démocratiser l’usage du vélo et de transformer progressivement les habitudes de mobilité.

Pour mettre ce projet en œuvre, la ville confia l’exploitation à JCDecaux, déjà expérimenté dans d’autres grandes villes françaises avec le système Vélib’ à Paris. L’idée était de combiner un service fiable, simple d’utilisation et attractif, tout en assurant une maintenance constante et un suivi de qualité. Les vélos choisis étaient robustes et conçus pour un usage intensif, mais suffisamment accessibles pour que chacun puisse tester le service sans difficulté.

Selon les données de Tisséo, VélôToulouse a rencontré un succès immédiat dès son lancement à l’automne 2007. Les premières stations ont rapidement séduit les habitants, curieux de tester ce nouveau mode de déplacement, et les premiers trajets ont montré que le service avait un potentiel réel pour transformer la mobilité urbaine à Toulouse. Ce succès initial, combiné à une approche progressive et adaptée aux besoins des usagers, a posé les bases d’une adoption durable, bien au-delà de l’effet de nouveauté. Un service plébiscité par les habitants, en l’espace d’un an le nombre d’abonnées au service s’est multipliée par 5 avec en décembre 2007, 1800 abonnés et en septembre 2008, 9500 abonnés, 11 000 à 13 000 locations quotidiennes, 7 à 8 locations par jour et par vélo. 

Le vélo reste peu utilisé

Les premières années furent celles de la découverte et de l’appropriation. Les habitants apprenaient à utiliser les bornes, à intégrer le geste de prendre un vélo pour un court trajet dans leur quotidien, parfois par curiosité, souvent par praticité. Les stations, initialement concentrées au centre-ville et sur quelques axes stratégiques, donnaient l’impression d’un réseau encore embryonnaire. Cependant, la dynamique était enclenchée : le vélo devenait une option crédible de mobilité. La généralisation de la carte Pastel à partir de 2011, qui permettait un abonnement simplifié et à tarif réduit, fut un accélérateur majeur. Les étudiants furent parmi les premiers à adopter massivement le service, suivis par les actifs. Les trajets se multiplièrent aux heures de pointe, montrant que le vélo n’était plus seulement un loisir.

En 2013, la photographie de la ville illustrait encore une transition timide. La voiture demeurait hégémonique avec 58 % des déplacements, la marche suivait à 23 %, puis les transports en commun à 14 %. Le vélo, quant à lui, ne représentait que 2 % des trajets. Les ambitions étaient là, mais la pratique restait concentrée dans quelques quartiers centraux. La ville comprit rapidement que le développement du vélo nécessitait davantage que des bornes : il fallait une infrastructure protectrice et des dispositifs facilitant la pratique quotidienne.

SMTC-TISSEO Octobre 2016 avec une projection en 2030 sur l’utilisations du  vélo
SMTC-TISSEO Octobre 2016 avec une projection en 2030 sur l’utilisations du  vélo

Le développement des infrastructures cyclables

Pour que VélôToulouse devienne une véritable alternative à la voiture, la ville a rapidement compris que le service seul ne suffisait pas. Il fallait sécuriser les trajets, faciliter les déplacements et rendre le vélo attractif pour tous. C’est dans ce contexte que Toulouse a investi massivement dans les infrastructures cyclables.

Entre 2016 et 2025, 156 millions d’euros furent consacrés au développement des pistes et bandes cyclables, à la création de parcs sécurisés et à des services d’accompagnement. 

Nombre de kilomètres d’aménagement dans les années 2000 
Nombre de kilomètres d’aménagement dans les années 2000 
Aménagements cyclables de 2018 à 2021
Aménagements cyclables de 2018 à 2021

Couvrant progressivement l’ensemble du territoire urbain et périurbain. En 2021, ce sont 1 745 km d’aménagements cyclables qui étaient recensés sur le réseau Tisséo, dont plus de la moitié en pistes dédiées, séparées du trafic automobile pour plus de sécurité. Ces kilomètres incluent à la fois des pistes bidirectionnelles, des bandes cyclables sur une chaussée, des zones 30 et des itinéraires partagés avec priorité cycliste aux intersections stratégiques.

Cette expansion a permis de connecter les quartiers entre eux, de relier le centre aux périphéries et de sécuriser les trajets domicile–travail. Certaines grandes avenues ont été complètement réaménagées pour accueillir des couloirs cyclables continus, tandis que des axes secondaires ont été équipés de bandes et de marquages renforçant la visibilité des cyclistes.

L’arrivée de L’électrique

Le véritable tournant survint en 2024. Les toulousains ne se contentaient plus d’un service de loisirs ; ils réclamaient une mobilité quotidienne, fluide et efficace, capable de rivaliser avec la voiture. En août, VélôToulouse se réinvente : nouvelles stations, extension territoriale et surtout arrivée des vélos à assistance électrique (VAE), capables de transformer profondément les trajets en ville. Ce qui n’était qu’un service d’appoint devint un outil central, capable de franchir les distances, les pentes et d’adapter la cadence aux besoins de chacun. 

L’usage explosa. Là où la fréquentation stagnait autour de 10 000 trajets par jour, elle bondit à plus de 36 000 moins d’un an plus tard. Les abonnés passèrent de 33 000 avant la transition à près de 63 500 en juin 2025. Entre septembre 2024 et juin 2025, il y a eu 9,14 millions de trajets enregistrés sur le nouveau périmètre de vélôToulouse.  Les VAE, dès leur introduction, représentaient déjà 48 % des trajets. Le 18 septembre 2025, un record historique fut atteint : 53 036 trajets en une seule journée, dont 27 350 réalisés en VAE. La ville n’avait jamais connu une circulation aussi intense et rapide de ses cyclistes.

Données de l’AUAT dans son observatoire cyclable de l’agglomération toulousaine
Données de l’AUAT dans son observatoire cyclable de l’agglomération toulousaine

Cette transformation se lit aussi dans les rues. Entre 2022 et 2024, les passages cyclistes sur des axes clés bondirent : avenue Étienne-Billières, 3 450 → 3 795 par jour ; boulevard Bonrepos, 2 590 → 3 443 près de la gare Matabiau. Même dans des zones avec lesquelles l’infrastructure restait fragile, le nombre de cyclistes augmentait. En périphérie, la dépendance automobile restait importante,  61 % en première couronne, 71 % en deuxième, mais au centre, le vélo atteignait désormais 6 % des déplacements, influençant itinéraires et priorités urbaines.

L'évolution de la fréquentation des grads axes routiers de Toulouse par les cyclistes sur la base des chiffres fournis par 14 compteurs situés en ville. (AUAT)
L’évolution de la fréquentation des grads axes routiers de Toulouse par les cyclistes sur la base des chiffres fournis par 14 compteurs situés en ville. (AUAT)

L’arrivée dans la première couronne Toulousaine

Le 30 septembre marque une étape décisive pour VélôToulouse, le service sort pour la première fois de son périmètre historique et franchit les frontières de la ville centre. C’est le moment où la métropole assume que le vélo n’est plus un usage réservé au cœur urbain, mais un mode de déplacement qui doit irriguer tout le territoire.

À cette date, six communes rejoignent officiellement le réseau, Blagnac, Ramonville-Saint-Agne, Balma, Aucamville, Labège et Tournefeuille. L’extension se traduit par quarante-cinq nouvelles stations réparties selon les pôles de vie, les zones d’emploi et les lignes de transport en commun, ce qui permet d’organiser une continuité cyclable entre centre et périphérie.

L’ensemble des stations avec l’ajout des six nouvelles communes
L’ensemble des stations avec l’ajout des six nouvelles communes

L’arrivée du service le 30 septembre répond à un besoin identifié depuis plusieurs années, celui d’offrir aux habitants de la première couronne une alternative fiable à la voiture. Pour beaucoup d’habitants, les trajets du quotidien restent courts, souvent un à trois kilomètres, distance idéale pour un vélo mécanique ou électrique, d’où l’intégration massive des vélos à assistance électrique dès ce déploiement.

Très peu de kilomètres sont parcourus à vélo. Source Tisséo
Très peu de kilomètres sont parcourus à vélo. Source Tisséo

Pour les communes concernées, l’installation du 30 septembre signifie un changement structurel. Blagnac peut connecter ses salariés d’Airbus, Ramonville ses étudiants et personnels du campus, Labège ses entreprises du parc technologique, Tournefeuille et Aucamville leurs habitants vers le cœur de Toulouse. Chaque station devient un point d’entrée vers un réseau plus large, capable de remplacer la voiture sur une grande partie des trajets quotidiens.

Colomiers reporte l’arrivée de VélÔToulouse dans sa ville

Initialement prévu dans le projet d’agrandissement du réseau de VélÔToulouse, Colomiers a décidé de se retirer en décembre 2024. La ville devait recevoir douze stations, en même temps que les villes de Blagnac, Ramonville, Labège, Tournefeuille et Aucamville. Malheureusement, le projet n’a pas pu se concrétiser. 

projet initial de  VélÔToulouse 
Projet initial de VélÔToulouse 

« Dans le cadre des restrictions budgétaires annoncées par le Gouvernement, cela fait partie des projets qui vont devoir être reportés », a déclaré la maire de Colomiers, Karine Traval-Michelet lors du comité syndical de Tisséo, mercredi 11 décembre 2024. La commune a décidé de privilégier l’arrivée de la future ligne C du métro de Toulouse. Colomiers n’a tout de même pas abandonné le projet, l’envie est toujours présente. Leur but est de créer un pôle multimodal entre bus et stationnement vélo. Pour les habitants et les travailleurs de Colomiers, ce report a été une grosse déception pour eux.

Certains attendaient l’arrivée des vélos électriques depuis l’annonce du projet. Johan Defunti, conseiller de vente à Leroy Merlin Colomiers, est déçu que le projet ne soit pas abouti de suite. “Depuis que je travaille ici, je viens soit en faisant du covoiturage ou en trottinette électrique. L’arrivée des Vélibs m’aurait permis d’avoir un autre moyen de locomotion.” “Le plus pénible, c’est quand je sors au bar le soir. Je dois toujours rentrer avec un copain qui a une voiture, s’il y avait les vélos électriques, ce serait plus simple pour rentrer et se gérer seul.” Il poursuit avec “Je suis content que le projet soit maintenu, j’attends juste leur arrivée maintenant.” 

Johan Defunfi, habitant de Colomier et conseiller de vente à Leroy Merlin 
Johan Defunfi, habitant de Colomier et conseiller de vente à Leroy Merlin © Oscar Cinglant

Si certains sont juste déçus et attendent l’arrivée des vélos avec impatience, d’autres lèvent un peu la voix. Louis et Jules, tous les deux lycéens, ne comprennent pas ce choix : “Colomiers est grave en retard comparé aux villes d’à côté, on a l’impression qu’ils n’ont pas d’ambitions” affirme Jules, assez en colère. Louis poursuit “on est dépendant des bus, on est restreint dans nos mouvements, sinon on doit tout faire à pied.”

Un nouveau moyen de locomotion à Blagnac 

La révolution vélo gagne la périphérie : six communes accueillent VélôToulouse
Station “Servanty AirBus” l’une des 16 stations de Blagnac  ©Julian Rébillard

VélôToulouse, le service de vélos en libre-service déjà présent à Toulouse, est installé à Blagnac depuis un moment. L’arrivée s’est faite en deux étapes : d’abord seize stations, puis sept autres plus tard. Cela permet de suivre les travaux et les nouveaux projets du quartier, comme le centre commercial du Grand-Noble ou les constructions près du Technopole et d’Andromède. 

Les 16 stations de Blagnac
Les 16 stations de Blagnac

Les emplacements ont été choisis avec Tisséo, Toulouse Métropole et JCDecaux pour bien couvrir la ville. Les stations sont placées dans des endroits faciles d’accès, où les camions peuvent venir récupérer ou déposer des vélos, et où Enedis peut fournir l’électricité. Chaque station coûte 17 000 euros par an à la commune. Un coût de 272 000 euros par an, puis 374 000 euros une fois toutes les stations installées. Blagnac accepte ce coût pour proposer une vraie alternative à la voiture et encourager les déplacements à vélo. La moitié des vélos sont électriques, ce qui aide pour les trajets plus longs. Plusieurs façons d’utiliser le service existent : à l’unité ou avec un abonnement, parfois payé en partie par l’employeur. Ce service vient compléter V’Loc, qui propose gratuitement des prêts de vélos pour plusieurs semaines ou mois. Un service d’autopartage doit aussi arriver d’ici fin 2025.

“L’arrivée de VélÔToulouse à Blagnac va faire du bien à beaucoup d’entre nous !” 

Jade, 38 ans, fait partie des personnes enthousiastes de cette arrivée. “Je suis contente de cette nouveauté, je pense que je vais souvent les utiliser. L’arrivée des vélos électriques à Blagnac est perçue comme une belle avancée. Pour Nassim, 17 ans et lycéen, l’installation des vélos va lui faciliter le quotidien. “J’habite à Servanty et tous les mercredis et vendredis soir, je dois me rendre à Andromède pour mes entraînements de foot. Depuis l’arrivée des Vélibs, tous les jours où j’ai entraînement, je fais le trajet à vélo.”

Station “patinoire andromède” vide en pleine journée
Station “patinoire andromède” vide en pleine journée © Oscar Cinglant

Blagnac est une ville assez bien développée niveau transport et moyen de locomotion. Mais lors des heures de pointe, les bus et tramway sont remplis et pour beaucoup, cela est désagréable. VélÔToulouse apporte une nouvelle solution aux Blagnacais : “Le bus 70 est toujours rempli de monde à la fin de mes cours, on perd du temps à attendre le prochain et finalement, il est rempli quand même”, évoque Juliette, étudiante en marketing. “Depuis l’arrivée des vélibs, je rentre toujours à vélo après mes cours, c’est beaucoup plus rapide. De la patinoire à Arènes Romaines, je mets à peu près 15 minutes.”

Malgré l’enthousiasme de quelques personnes, d’autres restent mitigés. “Leur arrivée est une bonne chose, mais les stations sont souvent vides à Blagnac. Pour un projet tout récent, je trouve ça bizarre de voir autant de stations pas remplies.” nous dit Luna, 25 ans. Christelle, 70 ans, et Jacques, 72 ans, sont mécontents de la répartition des stations. “Il y en a trop et mal placées. Moins et mieux placées auraient été plus sympathiques.”

Données de Tisséo Collectivités et JCDecaux sur les flux d’utilisation
Données de Tisséo Collectivités et JCDecaux sur les flux d’utilisation

Ces données Tisséo sur les vélos électriques mis à disposition nous montrent bien qu’entre 17 h et 19 h, il y a un flux beaucoup plus dense, ce qui va créer forcément un déséquilibre. Dans les stations. Certaines vont être vides et d’autres remplies. Pourquoi les stations de Blagnac sont-elles vides ? Les personnes qui utilisent les vélos vont en général dans le centre-ville de Toulouse. Les utilisateurs de ces vélos ne les reprennent pas forcément pour le chemin retour, ce qui accentue le déséquilibre.

Quel avenir pour VélÔToulouse à Blagnac ?

En fin de compte, l’arrivée de VélÔToulouse à Blagnac marque une étape importante dans l’évolution des mobilités de la ville. Malgré quelques critiques sur la répartition des stations ou leur remplissage irrégulier, le service s’intègre progressivement dans le quotidien des habitants. Qu’il s’agisse d’étudiants pressés, de sportifs, ou simplement de ceux qui veulent éviter les transports saturés. L’essor de ces vélos, dont une bonne partie est électrique, montre surtout une volonté collective de repenser les déplacements, de réduire l’usage de la voiture et de rendre la ville plus agréable. Reste maintenant à voir comment le service va s’adapter aux besoins réels des usagers et comment Blagnac pourra optimiser ce dispositif pour en faire un véritable atout durable. Alors, jusqu’où VélÔToulouse pourra-t-il transformer la mobilité blagnacaise dans les années à venir ?

Oscar Cinglant et Julian Rébillard

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