En Aveyron, la distribution de matériaux subit la crise : depuis trois ans, hausses de coûts, instabilité politique et nouvelles normes fragilisent le secteur, comme l’explique Jerôme, chef de secteur commercial de Point P.
Un marché local fragilisé par l’instabilité et l’inflation
En Aveyron comme dans tout le pays, le secteur du bâtiment traverse une zone de fortes turbulences. Entre instabilité économique, inflation persistante et changements politiques répétés, l’écosystème du BTP se fragilise. Et cette fragilité n’épargne pas la distribution de matériaux, maillon essentiel pour les artisans. À Rodez, Jérôme, chef de secteur commercial pour Point P, en observe chaque jour les conséquences : « La fréquentation a baissé d’environ 5 % cette année. Ce qui disparaît surtout, ce sont les particuliers », souligne-t-il. Le ralentissement n’épargne donc personne, des dépôts aux chantiers.
Les politiques économiques françaises ne sont pas les seules en cause, mais elles accentuent un terrain déjà instable. À cela s’ajoute la scène internationale : « L’arrivée de Trump au pouvoir en 2024 a créé trois mois d’instabilité avec des taxes douanières. On a dû s’adapter très vite », raconte Jérôme. Pour une entreprise dépendante d’importations de bois, d’acier ou de matériaux techniques, chaque décision internationale se répercute immédiatement.
Des coûts explosifs, des ruptures et une visibilité réduite
L’inflation énergétique a également transformé le paysage du bâtiment. « Depuis la crise du Covid, nos fournisseurs ont augmenté leurs tarifs de 40 à 45 % », affirme Jérôme. Une hausse vertigineuse qui se répercute automatiquement sur les distributeurs, puis sur les artisans et les ménages. Résultat : les stocks reculent de 10 à 15 % depuis trois ans, faute de pouvoir immobiliser des matériaux devenus trop coûteux.
Cette instabilité économique touche aussi la stratégie commerciale. L’incertitude budgétaire autour des politiques publiques freine la visibilité des acteurs. Jérôme cite l’exemple de la prime Rénov’, tour à tour réduite, modifiée ou interrompue : « Quand la prime Rénov’ change tous les quatre matins, on doit retenir nos investissements. Impossible de planifier sur du long terme ». La distribution de matériaux se retrouve ainsi à dépendre de décisions politiques prises dans l’urgence, sans garantie de continuité.
À ces défis s’ajoute une difficulté croissante à recruter. Le secteur, en baisse d’activité, attire moins : « Forcément, un marché instable devient moins attractif. On se tourne davantage vers les alternants », explique Jérôme. Une tendance déjà visible chez les artisans, eux-mêmes freinés par le coût du travail et la hausse des charges.
Les clients, eux, adaptent leur comportement : commandes fractionnées, recherche de produits moins chers, ou reports de chantiers. « Les particuliers ont quasiment disparu pendant plusieurs années à cause de la hausse des prix », constate-t-il. Ce retrait fragilise encore davantage un secteur qui, historiquement, repose sur un équilibre entre professionnels et ménages.
Un besoin urgent de stabilité politique pour relancer la dynamique
Pour sortir de cette spirale, Jérôme plaide pour une ligne claire : « On a besoin d’un budget stable, qui nous permette de nous projeter au moins sur un an. Et surtout d’un vrai engagement sur la transition écologique. On vise le carbone zéro en 2050, mais sans un plan à 10 ou 15 ans, on n’y arrivera pas. »
L’appel rejoint celui de nombreux acteurs du BTP : moins d’instabilité, moins de réformes successives, et davantage de visibilité pour reconstruire un secteur devenu l’un des baromètres de la santé économique française.
Gabriel Bounhol



