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Une semaine au coeur de Cinespaña : à la découverte d’un cinéma engagé

Présentation du festival lors de l'ouverture ©Raphaëlle Marot
Présentation du festival lors de l'ouverture ©Raphaëlle Marot

Du calme de l’ouverture aux dernières récompenses du dimanche, la 30ᵉ édition de Cinespaña s’est vécue de l’intérieur. Une semaine où le public a suivi les projections, les rencontres avec les artistes, les files d’attente et les imprévus, dans un festival parfois débordant de son énergie et de son enthousiasme.

Lundi, le festival se lance en douceur

Il est 19h lorsque l’atmosphère commence à devenir intense devant l’American Cosmograph. Les bénévoles s’activent dans tous les sens. Clara 22 ans, étudiante en cinéma, ajuste les derniers détails du hall, « Je m’occupe de l’accueil du public et de la billetterie, donc je vois beaucoup de visiteurs passer et j’essaie de les orienter vers les salles et les projections”, explique-t-elle en souriant. “C’est ma deuxième année ici, j’avais adoré la première fois alors j’ai voulu revenir.”

Peu à peu, les habitués arrivent, certains sont seuls, d’autres en groupe, discutant déjà des films qu’ils espèrent voir. Madame Garcia, visiteur très fidèle, confie, « Je ne rate jamais l’ouverture. C’est un rituel pour moi. Voir le festival naître chaque année, ça me met dans l’ambiance pour toute la semaine”, elle se met à rire. Dans le hall, on entend un brouhaha, des échanges sur les projections à venir. Beaucoup parlent de Rossy de Palma, l’invitée pour la violette d’honneur prévue mercredi soir. « Le plus agréable, c’est de voir les gens sortir des projections enthousiastes » commente Clara. 

Marc, 28 ans, professeur d’espagnol et bénévole depuis quatre ans, circule entre les salles pour guider les spectateurs. « Je fais en quelque sorte de la médiation culturelle, je présente les films, explique un peu le contexte historique ou culturel. Le plus agréable, c’est les discussions avec les spectateurs après les films. Ça montre que notre travail a un vrai impact. »

À 20 h30, Maspalomas, d’Aitor Arregi et José María Goenaga, s’illumine sur l’écran principal. Les spectateurs se taisent, happés par les premières images. À l’ABC, Daniela Forever, de Nacho Vigalondo, démarre quelques minutes plus tard. C’est officiellement le lancement du festival Cinespana. Les organisateurs prononcent le discours d’ouverture, ils parlent de l’importance du cinéma espagnol, de la diversité des films et de la volonté de créer un pont culturel entre Toulouse et l’Espagne. « Son mélange entre films populaires, expérimentaux et classiques espagnols, tout en favorisant le dialogue avec le public, c’est ce qui rend Cinespaña unique. » On sent que le festival prend vie, les bénévoles s’entraident, les spectateurs échangent, et les couloirs du Cosmograph bruissent déjà de conversations sur les films.

Programme complet du festival

Mardi, l’Institut Cervantes « Ils cherchent à comprendre la langue, l’histoire, la culture. »

Cour de l’ENSAV, accueil à gauche et stand de l’Institut Cervantes à droite ©Raphaëlle Marot

En début d’après-midi, la cour du Crous est plutôt calme. Les musiques espagnoles n’ont pas encore envahi l’espace, mais les bénévoles commencent déjà à préparer la soirée. Entre les affiches du festival et les tables où s’empilent programmes et flyers, un petit coin attire particulièrement l’attention, le stand rouge et blanc de l’Institut Cervantes. Ce n’est pas un immense espace, juste une table, deux chaises et quelques piles de brochures. Mais l’atmosphère y est particulière. On sent que ce n’est pas un stand comme les autres, car ici on vient pour parler, pour comprendre et pour apprendre.

Deux enseignants accueillent les visiteurs avec un sourire chaleureux. Elena Fuentes et Alberto expliquent fièrement le rôle du Cervantes dans le festival. « On n’est pas seulement là pour distribuer des brochures. L’Institut Cervantes est un collaborateur direct de Cinespaña. Notre mission est la même que celle du festival, partager la culture hispanophone. » Autour du stand, des conversations s’improvisent au fil des arrivées. Un étudiant demande timidement où il peut apprendre l’espagnol « parce qu’il a très envie de voyager. » Alberto poursuit, presque avec fierté, « Toulouse a une histoire particulièrement forte avec l’Espagne. Les républicains exilés sont arrivés ici après la guerre. Beaucoup de familles sont venues de cette histoire-là. C’est pour ça que ce festival prend tout son sens ici. » Elena, sa collègue, acquiesce et complète, « il y a cette proximité culturelle. Quand je vois la vie étudiante, l’ambiance des bars c’est très espagnol, c’est chaleureux, on se sent presque chez nous. »

Sur la table, pleins de petits prospectus colorés mais ce qui attire le plus ce sont les échanges. Un jeune homme s’approche. Il cherche un stage en Espagne et voudrait savoir si « le niveau B1 suffit », Tout le monde rit doucement. Elena lui répond, « Avec l’envie, on survit même avec moins que ça. » Le stand devient ainsi un mini-salon culturel improvisé, on s’y arrête quelques minutes, parfois une demi-heure, parfois juste le temps de poser une question sur un mot espagnol mal compris dans un film. Elena explique « Nous, ce qu’on voit, c’est que les gens veulent comprendre et pas seulement voir un film. Ils cherchent à comprendre la langue, l’histoire, la culture. Et Cinespaña, c’est parfait pour ça. »

Mercredi, rencontre avec Rossy de Palma

Dans la cour de l’ENSAV, les spectateurs circulent avec la fluidité des habitués, les mêmes chaises sont occupées par les mêmes silhouettes depuis trois jours. Le festival a pris ses marques. Mais derrière les stands les bénévoles s’essoufflent. Ils jonglent avec des listes, des retardataires, des changements de programme. Des musiciens déchargent leurs instruments, prêts à faire vibrer la soirée. Mais ce soir, personne ne s’arrête pour les écouter. On file en hâte pour le Pathé Wilson. Tout le monde veut voir Rossy de Palma, attendue pour recevoir la Violette d’honneur, un prix récent, créé l’an dernier, qui distingue un artiste pour l’ensemble de sa carrière.

Actrice, chanteuse, performeuse, artiste plastique, muse d’Almodóvar, légende d’un cinéma qui ne ressemble à aucun autre. Elle est là pour présenter Dia de Caza, son nouveau film, et le simple fait de prononcer son nom suffit à remplir une salle. La foule s’entasse, les voix se serrent, les visages se tendent. Le hall déborde, un bénévole, l’air complètement dépassé, essaie de se frayer un passage. « Je suis vraiment désolé, il n’y a plus de place. On ne peut plus faire entrer personne. » Une seconde d’hésitation, puis il répète, comme pour sceller la sentence « C’est complet, complet. » Autour de lui, des spectateurs espèrent malgré tout un miracle en scrutant les moindres gestes du staff, en vain.

Rossy de Palma vient raconter sa carrière ©Garance Richard
Rossy de Palma vient raconter sa carrière ©Garance Richard

Lorsque Rossy arrive elle ne se contente pas d’entrer, elle surgit. Sa voix roule, claque, éclate avec son accent espagnol si marqué, une voix qui semble presque danser. Elle rigole, s’exclame, lance des petites piques pleines d’humour et joue avec son public. L’énergie monte immédiatement d’un cran. Mais lorsqu’elle évoque Almodóvar, tout s’adoucit en elle. « La Loi du désir, c’est là que tout a commencé », dit-elle doucement. Elle raconte la nuit madrilène de l’époque, un monde incandescent où artistes, musiciens, performeurs se mélangeaient dans un chaos vibrant. « Madrid, c’était une soupe d’artistes, un monde fou et dangereux aussi, mais tellement vivant. » Elle sourit en évoquant Almodóvar en pleine préparation de Matador. « Tout le monde allait le voir pour un rôle. Moi, j’ai choisi une autre stratégie : la séduction à distance. » Elle éclate de rire, puis rajoute : « Et ça a fonctionné puisqu’il est venu vers moi directement. » Neuf films ensemble plus tard, elle prononce son nom avec un mélange de tendresse et de respect, comme on parle d’un frère.

Lorsqu’elle explique sa méthode de travail, sa voix retrouve son ampleur, « le personnage me surprend en moi-même ! » Elle lève les mains, l’air de dire qu’elle n’y peut rien, que c’est ainsi que ça marche. Et puis cette confession qui déclenche un murmure de plaisir dans la salle « J’adore les accidents. Les erreurs. C’est ça, le cinéma. C’est ça, l’art. » Les échanges avec le public la conduisent ailleurs. Elle parle de ce qui l’a façonnée, sa famille, deux parents divorcés mais voisins de palier toute leur vie. « Il y avait entre eux une tendresse très spéciale. Ça m’a construite. » Elle raconte les mains de son père, le travail de la terre, la matière. « J’ai besoin de toucher les choses, de sentir. » Puis vient la question de son physique, sujet qu’elle aborde sans détour.
« Pourquoi punir quelqu’un pour quelque chose qu’il n’a pas choisi ? Mon visage c’est la loterie de la vie ! » Elle éclate de rire, mais ses mots résonnent plus loin. Elle élargit d’un geste. « On ne choisit pas d’où on vient. Les frontières ? Invention humaine. Comme les religions. L’être humain invente tout ça puis il s’enferme dedans. Moi, je crois à la nature. Je crois à l’amour. »

Quand la rencontre s’achève, elle sort sous un tonnerre d’applaudissements. Dehors, les bénévoles courent encore, dépassés, mais cette fois un sourire aux lèvres. Cette rencontre a impacté la foule.

Jeudi, les soirées apéro, coeur battant du festival

La nuit commence à peine à tomber sur Toulouse, mais quelques vaisseaux de lumière s’imposent dans la rue du Taur. Dans la cour de l’ENSAV, l’apéro en musique interprété par le groupe Los Guayabo Brothers du jeudi soir bat son plein. On entend de la musique espagnole, des rires et un brouhaha qui s’élève à peine au-dessus des vibrations musicales. Il y a une ambiance typique des soirées espagnols selon quelques bénévoles, où tout le monde parle à tout le monde sans même se connaître et se demander pourquoi. C’est un village éphémère, transporté ici pour quelques soirées, où les frontières s’effacent, bénévoles, habitués, touristes, étudiants, retraités, tout le monde se mélange.

On retrouve ceux qui ont passé la journée en salle, un peu secoués par les projections du début de semaine. Sorda a laissé certains complètement sonnés, Yrupe a dérouté. D’autre nous parle de Cyborg Génération, un film qu’ils ont hâte de découvrir le lendemain. Dans un coin, une jeune femme agite son éventail pour se rafraîchir, c’est Clara, 22 ans, étudiante en cinéma, première fois au festival. « Franchement, Sorda je n’en suis toujours pas remise ! Avant d’aller le voir je me suis dit soit j’accroche pas soit j’adore. Et au final j’ai adoré. » Elle rit en prenant une gorgée de sangria. « Honnêtement, ce que j’aime ici, c’est l’ambiance, tu parles aux gens comme si tu les connaissais. On a l’impression d’être une grande famille. »

Un peu plus loin, un homme quarantenaire est assis a une table accompagné d’une femme. Javier, un habitué depuis environ 5 ans, s’exclame très fort « L’apéro ici, c’est comme les petites fêtes espagnols, on boit, on parle, on rit, ça me rappelle chez moi. » Lui est né en Aragon, une petite région au nord-est de l’Espagne, il dit revenir chaque année pour cette sensation familière, « Cinespaña, c’est le seul endroit ici où j’entends des accents et des histoires qui me renvoient à mon enfance. »
Son film préféré jusqu’ici ? Yrupe « Poétique et un peu rude. »

La soirée continue, la cour du crous est remplie, au centre de la foule Diego, 22 ans, bénévole pour la deuxième fois, il traverse la cour avec un plateau vide, il s’arrête une seconde, essuie son front, souffle et sourit. « C’est la soirée où le festival vit le plus. On sent que les gens se détendent. Ils nous posent plein de questions : « Vous nous conseillez quoi ? », « Vous avez vu le film Carmen ? » Il rit. « Le public est plus curieux qu’on ne le croit. Et pour moi, être ici, c’est comme être au cœur du cinéma espagnol en France. » La musique s’entend un peu plus lorsque les premiers visiteurs rentrent chez eux. Pour d’autres, c’est le début de la soirée, Anna et Lucy, toutes les deux Franco-espagnole explique être venues surtout pour le concert, elles dansent en tenant leurs verres dans la main. « On est venu pour l’ambiance, pas pour les films, » elles rigolent. 

Les conversations se prolongent jusqu’au bout de la nuit, les groupes ne cessent de se recomposer comme si tout le monde se connaissait depuis une éternité. Un bénévole passe en souriant, plateau contre la hanche, « Profitez parce que ce genre de soirées, ça n’existe qu’ici. »

Concert du groupe Los Guayabo Brothers ©Raphaëlle Marot

Vendredi, la charnière entre la semaine et le week-end

Le vendredi s’installe comme une pause au milieu du festival. Dans la cour de l’ENSAV, l’ambiance est étonnamment calme. Quelques groupes discutent, des étudiants passent, mais rien à voir avec la cohue des jours précédents. Cette accalmie tombe presque bien pour les bénévoles qui en ont besoin.

Ils repensent encore au mercredi, à la rencontre avec Rossy de Palma qui en avait submergé plus d’un. Des spectateurs persuadés d’avoir une place, d’autres qui n’avaient jamais reçu l’information correcte, des files d’attente ingérables. « On ne veut surtout pas revivre ça ce week-end », résume Claire, une bénévole, en relisant son planning. La fréquentation a dépassé toutes les prévisions et le week-end s’annonce encore plus dense, avec de nombreuses projections et la remise de prix en ligne de mire. Loïc Diaz-Ronda, l’un des co-directeurs, circule entre les équipes. Il prend le temps d’écouter les retours, de clarifier des points, de replacer deux ou trois consignes. On sent chez lui la même tension que chez les bénévoles, tout le monde veut éviter une nouvelle confusion.

Dans les cinémas aussi, la pression monte. Les gérants expliquent que, d’habitude, tout passe par internet, mais que pour Cinespaña le système ne fonctionne pas puisqu’il faut acheter des tickets sur place. « Beaucoup ne comprennent pas, surtout les Espagnols qui ont l’habitude de réserver », explique l’un d’eux. Pour simplifier les choses, un stand spécial Cinespaña a été installé directement dans le hall. L’après-midi reste étonnamment légère. Grâce à cette parenthèse, les équipes ajustent les plannings, répartissent les rôles, vérifient les accès, revoient les consignes pour les files d’attente et les remises de tickets. On sent une concentration nouvelle, presque méthodique. « Aujourd’hui, c’est notre dernier souffle », glisse Claire en regardant la cour presque vide. « Demain, on n’aura plus une minute. » Ce vendredi fait office de frontière : la semaine derrière, le week-end devant. Un moment de transition où le festival se réorganise, conscient que ce n’est que le début.

Samedi, le pic du festival

Dès midi, les couloirs se remplissent de spectateurs qui commencent à se regrouper devant les salles des différents cinémas. On reconnaît déjà les habitués du week-end, ceux qui ont prévu d’enchaîner plusieurs films, le programme plié dans la main. Dans le hall du Cosmograph, Léa, 19 ans, bénévole pour la première fois, « Le samedi, ça n’arrête jamais, » souffle-t-elle en riant, « On a des projections toutes les heures, des publics très différents, et surtout beaucoup de discussions à gérer dans les files, mais c’est ce que je préfère, on sent que les gens adorent le festival. » Les visiteurs sont nombreux, parlent fort, comparent les séances, feuillettent les programmes en marchant. 

À 12h30, Ciudad sin sueño lance la journée. À peine la séance terminée, certains spectateurs filent déjà vers un autre film. L’après-midi est dense : Los Tortuga, En quête d’une image, Queer Me, Olivia, Le rire et le couteau. Un véritable mélange de genres et de formats. Devant Yrupe, une mère et sa fille patientent, « Ce que j’aime, c’est la diversité » affirme la mère, sa fille la coupe en riant, « Et toi, tu pleures devant chaque film. » Autour d’elles, les conversations s’entrecroisent, on commente le palmarès annoncé plus tôt, certains donnent leurs avis sur la future remise des prix qui aura lieu le lendemain, d’autres débattent sur les films vus. En début de soirée, les salles se remplissent encore avec Downriver a Tiger puis Sirat. Les plus motivés restent jusqu’à Histoires de la bonne vallée ou Revolución cumple qui clôture la journée. Dans le hall, on perçoit des bénévoles fatigués mais toujours aussi joyeux. « Le samedi, c’est vraiment une grosse journée pour le festival, on voit passer beaucoup de publics » résume Hugo, bénévole depuis quelques années. 

Dernier apéro musique du festival avec Fara Nazwa ©Garance Richard

La soirée s’achève dans la cour de l’ENSAV, autour du dernier apéro. Bénévoles et spectateurs se retrouvent pour célébrer ensemble cette semaine. Les rires s’entrelacent et les verres tintent au rythme des groupes Fara Nazwa et Le Chique. Paolo et Carla, un jeune couple, lancent en riant « ici tout se mélange c’est pour ça qu’on vient chaque année, on fait le trajet depuis Burgos ! » Le festival touche doucement à sa fin et tout le monde commence à le ressentir.

Dimanche, « C’est important que le cinéma soit fort, et pas seulement esthétique »

Le dimanche, l’atmosphère du festival change complètement. Après une semaine dense et souvent débordante, tout se termine dans la salle 12 du Pathé Wilson. Plus petite, plus intime que celles des grandes rencontres, elle impose d’elle-même un autre rythme. Les premiers rangs sont déjà réservés pour les jurys et les nommés, le reste du public s’installe en silence.

La veille, le village a fermé ses portes à minuit. Les bénévoles, d’ordinaire partout à la fois, prennent pour la première fois place dans le public. Ils savent que tout ce qui se joue aujourd’hui est le résultat direct de leurs efforts, entre accueil, guise, installation et urgence. Même la fête d’hier soir, qui a laissé sur quelques visages une trace de nuit courte, ne parvient pas à masquer leur satisfaction. Les co-directeurs Loïc Diaz-Ronda et Alba Paz montent sur scène et prennent le temps de remercier toutes les équipes, de revenir sur les moments forts de la semaine, les projections pleines, les rencontres animées. Et, sans insister, ils évoquent les imprévus, la logistique mise à l’épreuve, les salles saturées. Tout cela fait aussi partie du festival. Peu à peu, leur discours glisse vers la remise des prix.

La Violette d’Or est attribuée à Cuando el río estreve el mar. Son réalisateur, Pere Vilà Barceló raconte le travail colossal derrière ce film : près de 30 heures tournées, réduites une première fois à 10, puis à 3 pour la version présentée. Il confie qu’il aimerait sortir les 27 heures restantes sous une autre forme, peut-être un documentaire destiné aux écoles, pour aborder ce sujet difficile que sont les agressions sexuelles, la reconstruction, l’impuissance d’un père, tout cela avec des outils pédagogiques. Il termine son discours « Cette année, il y avait beaucoup de films engagés, beaucoup d’histoires familiales. C’est important que le cinéma soit fort, et pas seulement esthétique. »

Remise de la Violette d'or du meilleur film à Pere Vilà Barceló ©Raphaëlle Marot
Remise de la Violette d’or du meilleur film à Pere Vilà Barceló ©Raphaëlle Marot

La cérémonie prend fin. Dans les couloirs, les bénévoles, les réalisateurs, les spectateurs se dirigent d’un même mouvement vers le cocktail de clôture. Les tables se couvrent de spécialités espagnoles, l’odeur du jambon, des piquillos et du fromage attire les groupes. Le jury étudiant se tient un peu à l’écart au début, avant d’être rapidement sollicité. Cinq jeunes, venus d’études très différentes : cinéma, sociologie, histoire, même mathématiques, mais qui semblent parfaitement coordonnés. Ils racontent comment ils ont enchaîné les projections, souvent plusieurs par jour, et comment ils ont attribué leur prix à Downriver a Tiger. « Finalement, on a été d’accord assez vite, » explique l’un d’eux, « on pouvait s’exprimer librement après chaque film, et ce qui était intéressant, c’est que chaque avis comptait sans être jugé. » Ils évoquent aussi leur découverte du cinéma espagnol, qui les a surpris par son intensité, « c’est vraiment un cinéma plus engagé et plus social que le cinéma français. On sent qu’il parle de vrais sujets, et en profondeur. »

Peu à peu, le festival touche à sa fin avec ce mélange de douceur et de soulagement qui accompagne toujours les dernières heures d’un événement réussi. Pour les bénévoles comme pour le public, ce dimanche a le goût doux-amer d’une fin, avant que tout le monde retourne à la vie ordinaire.

Marot Raphaëlle & Richard Garance

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