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La course longue distance, un défi hors-normes

La joie d'un coureur à quelques mètres de la ligne d'arrivée. CP : Amélie Marsan

Biographie : Pour commencer, je suis arrivée à l’ISCPA pleine d’ambitions avec l’envie de réussir mon projet professionnel. Cette détermination s’est renforcée au fur et à mesure des expériences vécues, des intervenants rencontrés, des stages effectués.

Quand je me vois maintenant, après quatre années passées, le chemin est presque terminé, je suis à quelques mètres de la ligne d’arrivée. Mais je dois encore livrer cette enquête journalistique qui me tient à cœur, pour je l’espère refermer le livre de mes études et commencer une nouvelle vie de journaliste.

Au cours de ces années d’apprentissage au sein de l’ISCPA, j’ai sans aucun doute acquis des compétences techniques propres au domaine du journalisme. Mais surtout j’ai appris à m’affirmer, à ne jamais lâcher même quand tout me semblait compliqué, à développer mon appétence pour les mots, à les manier pour transmettre et servir l’information. D’après moi, j’ai beaucoup évolué et encore davantage pendant les stages. 

Présentation du projet d’enquête : La pratique de la course longue distance est en pleine expansion depuis quelques années. En 2025 encore, les inscriptions à ces courses en montagne pour les trails, ou sur route ont explosé. Il faut parfois réserver son dossard des mois  à l’avance puisque les courses sont payantes. En choisissant ce thème, je voulais comprendre pourquoi cette discipline attire tant, puisqu’au premier abord, cette pratique semble être une véritable souffrance. J’en suis arrivée à la problématique suivante : Révéler les impacts des courses longue distance dans le temps, sur la santé et le mental des coureurs. 

Lien vers l’ISCPA L’ISCPA, l’école des médias à Paris, Lyon et Toulouse

Genèse du projet : Mon thème de prédilection est le sport. En le choisissant je voulais découvrir de nouvelles choses. Je n’avais pas de réelles notions dans la discipline des courses longue distance. C’était quelque chose que j’avais envie de creuser.  J’ai aussi dans mon entourage des personnes qui courent régulièrement voire très souvent. Je voulais comprendre, dans le fond, pourquoi ils s’infligent, d’après moi, de telles souffrances, ce qui les a fait commencer et ce qui les pousse à continuer malgré les obstacles.

Pour les coulisses de l’enquête, j’ai procédé de la manière suivante. J’ai d’abord réfléchi à quelles sources humaines pourraient m’être utiles pour chaque point que je voulais aborder dans mon enquête. Il y a l’aspect de la pratique qui est le plus important à prendre compte. J’ai donc recherché des coureurs avec des profils différents, dont un qui a la double casquette de coureur/entraîneur, pour avoir une meilleure analyse sur les multiples paramètres pour pratiquer la course longue distance.

Il fallait absolument que j’ai un point de vue médical par rapport à la problématique que je me suis posée. C’est pourquoi j’ai fait appel à un ostéopathe ayant de nombreux patients qui effectuent des courses longue distance.

Ensuite, je voulais savoir comment sont encadrées les courses, comment la sécurité est mise en place et comment les responsables de courses limitent les blessés et les accidents. J’ai donc pris contact avec un organisateur.

Globalement, pour les sources humaines auxquelles j’ai fait appel, cela a été assez simple de les trouver parce qu’à chaque entretien je me renseignais auprès de ma source pour savoir si elle avait un contact dans les profils que je recherchais. Quasiment à chaque fois, j’obtenais un nouveau numéro qui correspondait à mes attentes.

Pour les sources documentaires, c’était “simplement” un travail de recherche, je n’ai pas rencontré de difficulté particulière si ce n’est dans la compréhension des études scientifiques. Je n’ai pas eu, en amont de l’écriture, de déconvenue particulière.

SOMMAIRE

INTRODUCTION

I – POUR QUELLES RAISONS LES COUREURS PRATIQUENT LA COURSE LONGUE DISTANCE ?

1.1- LE DÉCLENCHEUR POUR DÉBUTER LA PRATIQUE

1.2 – POURQUOI LES COUREURS, TRAILEURS PRENNENT DU PLAISIR À COURIR SUR DES LONGUES DISTANCES ?

1.3- QUAND LES INDIVIDUS TROUVENT DANS CETTE DISCIPLINE TOUTES LES RAISONS DE LA PRATIQUER DANS LA DURÉE

1.4- LES ENDORPHINES ET L’EUPHORIE, RESPONSABLES DE LA “JOIE” DE COURIR

II – COMMENT BIEN SE PRÉPARER EN FONCTION DU PROFIL DE LA COURSE ?

2.1- LES TEMPS DE PRÉPARATION NÉCESSAIRES EN FONCTION DE LA DISTANCE PARCOURUE

2.2- L’IMPORTANCE DE S’INFORMER POUR LIMITER LES BLESSURES

2.3- LE MARATHON DES SABLES

2.4- COMPLÉMENTARITÉ AVEC D’AUTRES SPORTS

2.5- LES LIMITES DE PARTICIPATION À DES COURSES

III – LA GESTION DE L’EFFORT AU NIVEAU MENTAL

3.1- LA VARIABLE “MENTAL” EN THÉORIE…

3.2- … ET EN PRATIQUE

IV – LA SÉCURITÉ AUTOUR DES COURSES, UNE NÉCESSITÉ POUR ÉVITER DES CONSÉQUENCES IRRÉVERSIBLES

4.1- LES PROTOCOLES DE COURSE

4.2-  UN SYSTÈME D’INSCRIPTIONS ALLÉGÉ POUR FACILITER LA PARTICIPATION AUX COURSES

4.3 LES CAUSES DE DÉCÈS SURVENUS EN COURSE

V – LA NUTRITION, UN FACTEUR ESSENTIEL DANS LA PRÉPARATION D’UNE COURSE

5.1- LES PLANS NUTRITIONNELS

5.2- LES MACRONUTRIMENTS ESSENTIELS POUR UNE BONNE PERFORMANCE

5.3- HYDRATATION

VI – RÉPERCUSSIONS DES EFFORTS SUR L’ORGANISME ET LE SYSTÈME NERVEUX

6.1- LES RÉACTIONS DE L’ORGANISME ET LES EFFETS CONNUS DE L’ULTRA ENDURANCE

6.2- LES CONSÉQUENCES D’APRÈS COURSE

CONCLUSION

INTRODUCTION

En France, en 2024, huit millions de Français sont des coureurs réguliers (au moins une sortie par semaine). Parmi ces huit millions, 39 % d’entre eux pratiquent également le trail et 2 % s’y consacrent exclusivement.

Il n’y a pas que le trail qui attire. De plus en plus de personnes se mettent à courir des marathons, des ultra-distances que l’on va définir lorsque la course dépasse les 80 km environ et 8 à 10 heures de course minimum.

Les trails sont plutôt des compétitions effectuées en montagne ou du moins sur des chemins escarpés avec du dénivelé. L’ultra-distance se pratique davantage sur route. Mais il existe aussi les ultra-trails (ajouter aux caractéristiques de l’ultra-distance, un dénivelé positif de 2000 m au minimum et un pourcentage de sentiers supérieur à 80%) et des ultra-marathons (au moins 50 km).

En 2024, 11 334 courses ont été organisées en France, incluant des trails, des courses sur route et des cross-country.

Pour illustrer encore un peu plus ce boum de la pratique, cette année, le marathon de Paris a réuni près de 55 000 personnes. L’organisation  de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc a connu une phase de pré-inscriptions  record avec 8 900 personnes en demande de dossards  alors qu’il y en a quatre fois moins à disposition.

Il y a eu 345% d’augmentation ces quatre dernières années sur les ultra-marathons par rapport à la décennie précédente au niveau mondial.

En réalité, la course se pratique depuis toujours puisque  les premiers hommes se servaient de cette capacité  pour chasser, manger et donc survivre. Dans les faits, tout le monde sait et peut courir. Mais certains ont des prédispositions à pouvoir le faire sur de longues distances.

Aujourd’hui, la course occupe dans les esprits des coureurs, une fonction liée à la compétition sportive et à la santé. Mais que risquent réellement les pratiquants ? Je vais vous révéler les impacts des courses longue distance dans le temps, sur la santé et le mental des coureurs.

I – POUR QUELLES RAISONS LES COUREURS PRATIQUENT LA COURSE LONGUE DISTANCE ?

1.1- LE DÉCLENCHEUR POUR DÉBUTER LA PRATIQUE

Beaucoup de personnes commencent la course à pied pour le sentiment de liberté qu’elle procure et l’envie de casser sa routine. Les coureurs sont souvent à la recherche de quelque chose qui manque justement à ce quotidien comme en témoigne Mathieu Blanchard (coureur professionnel) dans son livre Vivre d’aventures.

Livre écrit par Mathieu Blanchard paru en 2024

Il a commencé la course il y a huit ans environ en amateur et au fil des ans il est devenu professionnel car il a trouvé en courant et à la suite d’un stage entourés de professionnels du running aux Etats-Unis, une façon de combler tous les manques de son quotidien. “La course à pied et le trail sont devenus le cœur de mon existence. Un mode de vie qui guide tous mes choix professionnels et personnels. Ça m’a permis de trouver un équilibre et la force d’affronter des blessures intimes, de me sentir complètement épanoui libéré du poids de cette carrière professionnelle toute tracée dont j’ai fini par saisir les impasses”, exprime-t-il.

Ce passage résume parfaitement les témoignages récoltés peu importe le profil interrogé, même si tous ne sont pas professionnels de la discipline. D’autres variables peuvent entrer en jeu dans le choix de courir des longues distances.

Hugues Laheuguère, 43 ans, professeur de sport dans un collège, parle de son expérience “J’ai commencé la course longue distance il y a 2 ans et demi. Au début je ne faisais pas de compétitions, c’était uniquement pour avoir une activité sportive et me défouler mais maintenant que j’y ai pris goût, je fais une ou deux courses entre 40 et 60km par an en plus des autres.

Léo, 19 ans, étudiant a commencé à courir pendant le confinement deux à trois fois par semaine. “Mon papa m’a initié aux courses longues alors même que je pratiquais le football. J’ai commencé à faire des séances avec lui. Je me suis blessé au foot donc j’ai voulu matérialiser tous les efforts des entraînements en faisant une course en compétition.

Lisa, 25 ans, professeur de sport a quant à elle toujours pratiqué la course à pied et son transfert sur les longues distances est presque arrivé par hasard “J’ai commencé les courses longues en 2019 après avoir été tirée au sort pour un marathon et je n’ai jamais arrêté. Je fais des trails de 25 km mais ça peut aussi être entre 80 et 120 km”.

Il y a presque autant de raisons et de déclics pour commencer la course longue distance que de coureurs et leurs histoires personnelles. Leur envie et la satisfaction que chacun trouve dans cette discipline, sont guidées par de multiples ressentis.

1.2 – POURQUOI LES COUREURS, TRAILEURS PRENNENT DU PLAISIR À COURIR SUR DES LONGUES DISTANCES ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, oui la course longue distance est un sport individuel à proprement parler. Mais un bon nombre de pratiquants y voient un moyen de rencontrer de nouvelles personnes. De pouvoir partager des expériences uniques, dans un mélange d’émotions, parfois la souffrance ou la joie et la bonne humeur.

L’ultra-traileur français Mathieu Blanchard en témoigne dans son livre paru en 2024 : “ Cette sensation de fouler directement les composantes du sol, de la nature, de revenir à un instinct primaire est une révélation. Et puis il y a l’ambiance, les sourires et les échanges avec les bénévoles qui jalonnent le tracé. Terminer la course avec les autres coureurs marqués et remués par les mêmes émois. Il y a toute une vie, communautaire, après l’épreuve”.

Il n’est pas le seul à observer cette particularité dans le trail. Léo évolue en amateur. Même s’il est plus jeune, il rejoint cette réflexion de communauté puisqu’il a arrêté le football pour se consacrer à la course et plus particulièrement au trail : “Je superposais les deux sports mais cette année j’ai arrêté le foot pour prioriser la course. Paradoxalement je trouve que c’est encore plus collectif, au niveau de l’entraide, des encouragements entre les coureurs et pour le partage des performances et des expériences de chacun.”

Des traileurs débriefant la course dans l’aire d’arrivée au dernier ravitaillement CP : Amélie Marsan

Il évoque d’autres raisons qui le font se sentir pleinement dans son élément quand il court : “C’est une façon de sortir, d’être dehors même s’il pleut. J’y trouve du plaisir, ça me permet de me vider la tête. Quand je cours ça m’oblige à poser mon cerveau, à faire du sport sans prise de tête”. Lisa ultra-traileuse, se retrouve aussi en phase avec les éléments de la nature. “Ce que j’aime dans la course longue distance, ce sont les paysages, la nature différente à chaque trail. C’est pour me retrouver dehors que j’en fais. Je fais plusieurs treks par an aussi. J’aime être un peu seule pour profiter de la nature”.

1.3- QUAND LES INDIVIDUS TROUVENT DANS CETTE DISCIPLINE TOUTES LES RAISONS DE LA PRATIQUER DANS LA DURÉE

Selon le média indépendant de running “Athlé expliqué”, les questions de santé, de bien-être, d’entretien du corps et d’évacuation de stress sont les raisons pour lesquelles les pratiquants continuent à courir, une fois ancrés dans la discipline. Le challenge personnel est aussi une des lignes de conduite des coureurs, spécifiquement dans la tranche d’âge des 18-24 ans.

Enfin le contact avec la nature est le dernier point avancé. Les traileurs privilégient avant tous les autres critères : le plaisir et la liberté que peut offrir la discipline. Le dépassement de soi est souvent évoqué. Léo, 19 ans témoigne : “Je repousse mes limites, j’aime me faire mal, j’ai souvent tendance à ne pas m’épargner mais c’est ça qui me transcende pour continuer”. Le jeune sportif évolue avec cette vision sans appréhension de blessure mais en étant toujours bien entouré par un entraîneur pour cadrer aussi ses performances.

« Ce stage est un moment fondateur, il y a eu un avant et un après »

D’après le magazine U-trail, de plus en plus de coureurs se fixent des défis, comme courir un marathon ou battre leur record personnel. Les pratiquants trouvent dans cette démarche la fierté de progresser. Le progrès, aussi petit soit-il, procure une grande satisfaction et encourage à persévérer.

Mathieu Blanchard, ultra-traileur professionnel aujourd’hui, s’était inscrit à un stage de running avec la Team Salomon (équipementier) il y a maintenant huit ans. Le but de cette démarche était de savoir si la discipline correspondait à ce qu’il cherchait. “Ce stage est un moment fondateur, il y a eu un avant et un après. Je me suis senti complètement libéré. J’ai bien fait de postuler à ce stage”, témoigne-t-il dans son livre. Cette période a tout changé pour lui.

Mathieu Blanchard ne cesse désormais de se lancer des défis hors-normes. Comme pour prouver que tout est possible malgré la difficulté des épreuves qu’il entreprend et pour ouvrir la voie à tous ceux qui hésiteraient à se lancer dans l’aventure. 

1.4- LES ENDORPHINES ET L’EUPHORIE, RESPONSABLES DE LA “JOIE” DE COURIR

Selon le magazine U-trail, courir agit sur la réduction du stress dans la vie de tous les jours et ce même en pratiquant de longues, voire très longues distances. 

La libération d’endorphines (hormones du bonheur) intervient quand la personne court. Ces hormones sont des transmetteurs d’informations nerveuses. En action, elles diminuent les sensations de douleur et favorisent le sentiment de bien-être à tel point qu’on peut parler d’un effet dopant et de dépendance. Le terme de “drogue naturelle” est employé.

Un épisode du podcast « Dans la tête d’un coureur » évoque les différents types d’endorphines. Les bêta-endorphines et les enképhalines sont celles libérées à la suite d’une course. Le premier type est produit de manière significative. Les bêta-endorphines ont la vocation de réduire les douleurs dans le temps et ce sont aussi celles supposées procurer une sensation de bien-être. Le deuxième type est destiné à limiter les douleurs, dans l’immédiat cette fois et toujours après la course, mais aussi à gérer le stress subi pendant l’exercice.

Les dynorphines correspondent au troisième type d’endorphines sécrétées par le système nerveux durant l’effort. Elles “sont libérées pour s’adapter aux situations difficiles en modulant notre perception de la douleur ».

Ces déclarations se vérifient en pratique. “Parfois, pendant la course, je me demande ce que je fais là, et quand je rentre chez moi il me tarde déjà de trouver une autre course pour revivre plein d’émotions. Il y a cette euphorie qui est présente continuellement quand je cours. Ce sentiment est omniprésent parfois à l’excès, dès que je m’arrête de courir. Mais il y a aussi la notion de bien-être dans le corps et au niveau psychologique”, témoigne Hugues Laheuguère traileur depuis trois ans.

Un coureur serrant le poing à l’arrivée du Trail de la Folle Blanche CP : Amélie Marsan

Les endorphines ne sont pas libérées uniquement pendant les courses mais aussi aux entraînements. Elles seraient “responsables d’euphorie” et feraient se sentir les coureurs “comme sur un nuage” après l’effort. Et c’est en observant tout ce procédé qu’intervient le terme de dépendance à la course.

Mais cette “euphorie et cette dépendance” ne seraient finalement pas déclenchées par les endorphines en tant que telles mais bien par des endocannabinoïdes. Il s’agit de substances produites par l’organisme qui ont le même effet que le cannabis.

Cette observation a été révélée par des chercheurs de l’Université d’Hambourg. Ils ont constaté que pendant une course, il y avait une augmentation assez significative d’anandamide, dérivé des substances endocannabinoïdes.

Ces analyses ont ensuite été approuvées par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). De ce fait, les personnes qui pratiquent ont une envie de lâcher prise, de profiter de ces émotions intenses.

Cela se traduit par l’explosion du nombre d’inscriptions à de multiples courses que ce soit au niveau local ou national. L’Ultra-Trail du Mont-Blanc fait partie de ces courses qui enregistrent un taux de pré-inscriptions (phase au cours de laquelle les coureurs s’inscrivent sur une liste, certains sont ensuite tirés au sort pour avoir un dossard et figurer sur la liste des partants de la course) de plus en plus élevé chaque année et ce depuis plusieurs éditions déjà.

La demande d’inscriptions pour tous les types de course a considérablement augmenté ces dernières années et ne s’arrête pas. Y compris les courses mondialement connues à l’image de la Diagonale des Fous ou du Tor des Géants.

Il faut souvent s’y prendre des mois à l’avance pour espérer obtenir un dossard et prendre le départ de ces monuments du trail. Justement, l’UTMB victime de son succès doit désormais refuser des pré-inscriptions. On peut observer une demande croissante et fulgurante ces quatre dernières années sur la mythique épreuve des Alpes.

II – COMMENT BIEN SE PRÉPARER EN FONCTION DU PROFIL DE LA COURSE ?

2.1- LES TEMPS DE PRÉPARATION NÉCESSAIRES EN FONCTION DE LA DISTANCE PARCOURUE

Chaque course nécessite une préparation spécifique quelle que soit la distance. Mais bien souvent, il faut s’y prendre des mois à l’avance. Par exemple, pour un 100 km sur route, il faut environ 4 à 5 mois d’entraînement. De manière générale, la préparation va être articulée autour de sorties longues mais pas trop de séances de sprint (fractionné) surtout quand la personne n’a pas beaucoup de temps de pratique. Ce sont des séances intenses qui impliquent des changements d’allures fréquents et soudains (rapide puis lent pour la récupération).

Il s’agit le plus souvent de phases d’une trentaine de secondes chacune. Cela peut donc être violent et traumatisant à encaisser pour un organisme qui n’en a pas l’habitude. Le fractionné ne mobilise pas non plus les mêmes capacités que les courses longues. Il est donc conseillé de se lancer progressivement selon l’expérience.

Pour une préparation marathon, c’est un peu le même principe mais dans les faits Laurent Darot, entraîneur de longue distance dans le Lot-et-Garonne, livre son programme d’entraînement type : “la préparation commence entre 12 et 14 semaines avant l’événement à raison de quatre à cinq séances hebdomadaires les deux premiers mois. Le troisième mois est plus axé sur les allures spécifiques, deux fois trois et cinq kilomètres. Un mois avant le marathon c’est bien de faire un semi avec les chaussures de marathon pour bien habituer le pied à la forme de la chaussure pour le jour j”.

Pratiquer l’endurance fondamentale régulièrement est essentiel. C’est une allure de course lente qui permet de courir longtemps sans se fatiguer. On reconnaît aussi ce type d’endurance au fait que le coureur va pouvoir parler sans difficulté du début à la fin de l’exercice.

Pendant ces sessions d’endurance fondamentale, la personne va courir à environ 65/70% de sa VMA (Vitesse Maximale Aérobie → si le coureur va au-delà, il limite la prolongation de l’effort à ce degré d’intensité propre à chacun), ce qui va permettre au corps de se mettre en place au niveau tendineux.

En plus des conditions de course à évaluer pour optimiser la préparation physique et mentale avant l’échéance, un autre détail est à prendre compte. Il pourrait tout changer dans la performance si il n’est pas bien analysé. C’est le choix des chaussures.

Laurent Darot ajoute : “avoir deux paires de chaussures soulage les articulations, s’il y a des plaques en carbone à l’intérieur c’est encore mieux et ça favorise une récupération beaucoup plus rapide”.

2.2- L’IMPORTANCE DE S’INFORMER POUR LIMITER LES BLESSURES

De plus en plus de personnes se lancent des défis hors-normes sans forcément prendre conscience des répercussions que cela pourrait avoir sur leur organisme. Les entraînements peuvent être négligés, l’aspect nutritionnel également et tout ce qui gravite autour de la préparation physique mais aussi mentale.

“Partons du principe que deux personnes courent exactement sur le même terrain, il y a largement moins de risques pour le corps de la personne qui s’est entourée d’un coach pour s’entraîner plutôt que celle qui n’en a pas du tout. Ce sont dans ces circonstances que le risque de blessure est décuplé”, explique Laurent Darot entraîneur.

De nombreux magazines, podcasts, sites internet réservés au trail, à la course longue distance fleurissent depuis la montée en puissance de la pratique. Des thèmes comme l’entraînement, la nutrition, la préparation mentale y sont abordés.

« Les patients qui viennent à mon cabinet sont en général un public qui s’est déjà beaucoup testé et documenté« 

Les supports ne manquent pas pour guider les coureurs en quête de réponses et d’approfondissement de la pratique. Un bon moyen de personnaliser sa performance. “Pour ma préparation, j’ai un abonnement au magazine “Trail”, c’est pratique de voir tout ce qui se fait de nouveau en termes d’entraînement sur un support. Je fais ma programmation par rapport à mes objectifs de courses et je prends aussi des conseils quand je consulte mon ostéopathe”, explique Hugues Laheuguère.

Il n’est pas le seul à se renseigner de manière assidue sur les techniques et les nouveautés mises en place pour favoriser la performance comme le souligne l’ostéopathe Marc Marsan De Montbrun : “Les personnes qui me consultent sont autonomes dans la pratique, je ne les cadre pas ni ne les dirige. J’ai plutôt un rôle de conseiller dans le but d’éventuellement changer des éléments qui ne vont pas en douceur. Les patients qui viennent à mon cabinet sont en général un public qui s’est déjà beaucoup testé et documenté donc c’est plutôt eux qui me demandent des conseils en complément plutôt que moi qui en donne directement.

Malgré certains coureurs qui tombent dans l’excès par manque de connaissance, de plus en plus de coureurs amateurs évoluent en ayant une pratique adaptée à leurs objectifs. Il y a une réelle appropriation personnelle de la préparation physique avant l’événement ce qui limite les blessures.

2.3- LE MARATHON DES SABLES
Le Marathon des Sables est une course où plusieurs distances sont proposées avec plusieurs éditions chaque année dans des pays différents (Jordanie, Maroc, Pérou…). L’étape la plus importante se situe dans le désert du Sahara au Maroc. Cette course est catégorisée comme un ultra-trail. Les participants parcourent 250 km en plusieurs étapes réparties sur onze jours. Le temps total est cumulé à la fin de la course.

Cyril Da Costa, 36 ans, y a participé cette année au mois d’avril. Il a bouclé les 250 km en 32 heures et 2 minutes ce qui l’a placé au 18e rang français. Mais avant ça, il a dû s’entraîner d’arrache pied pour atteindre ce niveau de performance car les conditions rencontrées sur place sont encore plus difficiles que d’ordinaire.

Chacun devait s’autosuffire en nourriture et cela impliquait de porter un sac tous les jours avec le nécessaire de couchage : “Mon sac pesait 15kg en partie à cause de la nourriture (lyophilisée). Je ne pouvais pas me permettre de prendre moins car il me fallait mon apport journalier en calories. Pour toutes ces conditions, je suis allé m’entraîner à la dune du Pilat avec un sac lourd et des vêtements épais pour m’habituer à beaucoup transpirer puisqu’il a fait entre 28 et 38°C dans le désert. En janvier j’ai réalisé les 120km de l’Atlantic Coast (Maroc) pour avoir une ‘petite’ idée de l’effort à fournir”, évoque Cyril Da Costa.

En plus de tout ça, il s’est quasiment coupé du monde les trois mois précédant l’épreuve. Il ne sortait plus que pour s’entraîner et aller travailler, sans voir personne d’autre. Des sacrifices payants à en observer sa performance.

À l’image du Marathon des Sables, d’autres ultra-trails reconnus dans le monde sont organisés chaque année et nécessitent une préparation adaptée aux caractéristiques de la course (distance, dénivelé, température).

2.4- COMPLÉMENTARITÉ AVEC D’AUTRES SPORTS

Faire des séances de course pendant les entraînements c’est la base mais coupler la pratique avec d’autres sports comme le vélo, la natation ou la musculation c’est encore mieux.

Ces trois disciplines permettent de travailler différemment, de toucher à d’autres muscles, d’autres capacités pour pouvoir renforcer l’ensemble de l’organisme et être encore plus performant au départ d’une course.

La musculation va venir fortifier les muscles et limiter le risque de blessures articulaires. “De plus en plus de personnes prennent cette passerelle entre sports, ce qui permet de tenir dans le temps. Au lieu de toujours faire les mêmes mouvements, de taper au même endroit sur le corps et l’esprit aussi. Beaucoup de mes patients mais pas que, se servent de ces sports pendant la récupération des blessures. Cela facilite la régénération des parties endommagées du corps”, témoigne l’ostéopathe Marc Marsan De Montbrun.

Lisa Mourleau, licenciée dans un club, effectue un gros volume d’entraînements par semaine. Il est important que tous soient cadrés, au vu de la densité de son programme : “Je m’entraîne six à sept fois par semaine. Il y a cinq jours de course, un de vélo ce qui me permet de faire des sorties de 4h à 5h sans avoir le traumatisme de la course au niveau musculaire et du cardio. Ça m’évite aussi de faire des grosses sorties de course sur dur”, explique-t-elle.

2.5- LES LIMITES DE PARTICIPATION À DES COURSES

En raison des efforts employés lors d’une course, le corps est mis à rude épreuve. Vient se poser la question de la limite des courses à effectuer sur une année pour éviter les blessures.

La souffrance peut se lire sur le visage des coureurs CP : Amélie Marsan

“La limite de courses que l’on fixe va résider dans la préparation faite en amont. Si la personne se sent bien à tous les niveaux pendant les entraînements, il n’y a pas de raison de se freiner. Mais si la préparation n’est pas en cohérence avec les objectifs visés, c’est là que ça peut commencer à être dangereux pour l’organisme. Parfois, le fait de lutter pour atteindre des objectifs pour lesquels la personne n’est pas forcément bien préparée, ronge son énergie et elle ne court plus pour les bonnes raisons. C’est là que les blessures peuvent arriver”, indique Marc Marsan De Montbrun, ostéopathe.

Par exemple, d’après un témoignage de Jack Daniels (physiologiste de l’exercice, entraîneur de course à pied et d’athlètes olympiques) dans le magazine “Athlé expliqué”, la recommandation est de “ne pas dépasser deux marathons par an. Cette approche permet une préparation optimale et une récupération adéquate entre chaque épreuve”.

En étant débutant, 1 marathon par an est préconisé. Les plus expérimentés peuvent tenter d’en faire trois à condition qu’ils soient bien espacés mais au-delà chaque coureur prend plus de risque de se blesser.

Entre deux marathons, les coureurs peuvent se lancer sur des distances intermédiaires (10 à 20 km) pour valider leur état de forme avant la grosse échéance. Ce ne sont que des recommandations, c’est à l’appréciation de chacun.

Par exemple Hugues Laheuguère traileur depuis trois ans évoque la programmation de ses courses chaque année : “Je me fixe quatre trails de 40 à 50 km, une autour des 60km en les espaçant au moins de deux mois. Entre tout ça je fais de petites courses intermédiaires de 10km environ toujours en fonction de mon envie du moment. Physiquement et mentalement je me sens prêt à fonctionner avec ces timings de programmation”.

Lisa Mourleau qui pratique des courses encore plus longues indique. “Pour les ultras de très longue distance , je me dis que je vais en faire deux dans l’année. Le premier de la saison actuelle sera un 120 km et le deuxième, un 101km. Quand je suis fatiguée, je diminue en quantité ou la distance des courses, il faut être capable de s’adapter et de s’écouter.”

L’argument qui revient souvent dans ce choix de faire la course de plus ou de moins réside dans le fait d’écouter son corps et ses besoins.

III – LA GESTION DE L’EFFORT AU NIVEAU MENTAL

Quand un coureur s’engage dans une course longue distance l’aspect physique est très important mais le mental l’est peut-être encore davantage. La blessure peut provoquer un abandon mais une baisse de moral le peut aussi. La course de l’UTMB attire certes plus de participants chaque année mais le nombre d’abandons est aussi plus important d’une édition à l’autre. 

3.1LA VARIABLE “MENTAL” EN THÉORIE…

Le bien-être mental est primordial pour une course, qui plus est longue distance. Il existe des préparateurs mentaux mais les coureurs amateurs y ont-ils recours ?

“Les professionnels vont souvent avoir une préparation mentale avec des psychologues. De mon côté, en tant qu’entraîneur, je suis davantage dans l’accompagnement, l’écoute de mes athlètes. J’essaye de les aider à atteindre leurs objectifs en nouant une relation de confiance avec eux, plus que de les aider psychologiquement”, explique Laurent Darot.

Cette relation entraîneur/coureur peut-être bénéfique mais les “pensées positives” que peut se transmettre le coureur lui-même vont aussi être un atout majeur dans le bagage émotionnel qu’il a tout le long d’une course. Ces pensées positives peuvent être des mots-clés à se répéter en boucle dans la tête par exemple. Cette répétition a pour vocation de gonfler la confiance en soi et de maintenir sa concentration sur l’objectif fixé.

Mais pour que cette technique fonctionne il faut éviter un maximum d’avoir une auto-critique trop sévère au moment où les conditions de course se durcissent. C’est ce qu’on appelle la résilience mentale, cette capacité à travailler sur soi pour que le mental soit une force au lieu d’être une faiblesse et une source d’angoisse sur la ligne de départ ou pendant l’effort.

La visualisation, bien utilisée, va aussi être un gros point fort dans la préparation mentale. Le but étant d’imaginer des passages clés de la course comme la ligne d’arrivée ou du moins l’action de la passer.

Ces pensées vont favoriser la motivation et le regain d’énergie dans les moments plus compliqués. Ce mécanisme va pouvoir être mis en place par le coureur dans un endroit calme. À ce moment-là, il doit visualiser tous les sens qu’il pourra ressentir pendant la course comme le toucher avec la sensation de fouler le sol et son degré de dureté.

S’imaginer les bruits de la foule qui encourage ou la température ressentie peuvent être facteurs de décompression avant et pendant l’événement.

3.2- … ET EN PRATIQUE

Si la préparation mentale peut être utilisée par quiconque souhaite participer à une course, certains coureurs n’y ont pas forcément recours. Ils préfèrent simplement écouter leur corps, les sensations qu’ils ressentent, la fatigue physique plutôt que de “s’encombrer” avec des routines.

Hugues Laheuguère est l’un des leurs : “Parfois j’ai envie de courir pour moi et pas forcément pour atteindre des objectifs sportifs donc je me mets moins de pression mentale. J’essaye de toujours prendre du plaisir sur les courses ce qui explique que je n’ai pas de méthode spéciale pour renforcer mon mental. Je sais pertinemment que si j’avais un meilleur mental je ferai beaucoup mieux de manière générale mais le plus important pour moi c’est de m’écouter, mon corps, ma tête ».

À la différence de son homologue masculin, Lisa Mourleau évolue dans un club, elle a donc un entraîneur pour lui préparer ses séances.

Elle évoque les avantages de se retrouver au sein d’un groupe encadré : “Quand je me projette sur des courses, le fait d’avoir un entraîneur m’enlève la charge mentale. J’échange aussi beaucoup avec les autres licenciés du club sur cet aspect. D’en parler à plusieurs et de partager ses propres expériences, ça peut tous nous aider.

Elle raconte aussi l’importance de l’expérience au fil des années qui joue beaucoup sur la performance : “Il peut y avoir des coups de mou pendant la course. Pour les plus anciens, les expériences de la vie prennent le relais dans les périodes dures de la course, quand t’es jeune tu sais moins bien le gérer. Par exemple lors de mon trail à Madère. J’ai fait la course avec un ami qui a le double de mon âge, il a su gérer la tempête mais moi ça m’a mis au fond du trou et j’ai dû abandonner”.

Cyril Da Costa qui a participé au Marathon des Sables a subi des conditions pouvant facilement atteindre le moral. Les participants ont passé chaque nuit dans le désert sous des tentes berbères (ouvertes des deux côtés) ajoutant encore plus de difficulté à l’épreuve déjà très éprouvante : “on a subi des tempêtes de sable toutes les nuits, ça durait des heures donc c’était vraiment difficile d’avoir des nuits complètes”, témoigne l’ultra-traileur.

Au bout des 11 jours de course, une quarantaine de personnes avaient abandonné au fur et à mesure des étapes. Léo Vigier doit quant à lui allier cette passion avec ses études de droit.

L’étudiant va souvent courir avant les premières heures de cours “Je vais m’entraîner avant mes cours pour bien commencer la journée. Après avoir couru ma concentration est bonifiée. J’ai réellement une sensation d’avoir le cerveau branché et je sais que je vais être productif parce que je suis attentif”.

IV – LA SÉCURITÉ AUTOUR DES COURSES, UNE NÉCESSITÉ POUR ÉVITER DES CONSÉQUENCES IRRÉVERSIBLES

4.1- LES PROTOCOLES DE COURSE


En fonction de la grandeur de l’événement surtout en prenant en compte le nombre de participants à une course, un DPS (Dispositif Prévisionnel de Sécurité) doit être mis en place pour garantir la sécurité des coureurs.

Il s’agit d’un dispositif qui comprend des secouristes, du matériel de secours, des véhicules au cas où il faudrait se déplacer pour porter assistance à des blessés ainsi que des moyens de communication pour coordonner les opérations.

Le DPS minimal est composé d’une ambulance (société privée) et 2 personnes avec un diplôme de secouristes/pompiers (sécurité civile, Croix Rouge).

Valentin Pasqualin, organisateur du trail d’Auradou dans le 47, explique cette mise en place de sécurité à laquelle il a dû faire face pour que l’événement puisse avoir lieu : “Pour 249 participants maximum et pas plus de 99 randonneurs on a droit au DPS minimal. S’il y’a ne serait-ce qu’un participant de plus, il faut passer au dispositif plus important pour être certain de pouvoir assurer la sécurité de tous”.

Pour le deuxième DPS, 4 à 12 secouristes peuvent être mobilisés répartis en plusieurs équipes et chaperonnés par un chef d’intervention. Tous les DPS ont un matériel complet et adapté au type d’événement qu’il couvre. Le suivant, considéré comme moyen, est composé de 14 à 36 secouristes.

Si l’organisation nécessite plus de 36 intervenants, alors il s’agit d’un dispositif de grande envergure. Dans ce cas, ils sont divisés au moins en trois équipes pour pouvoir couvrir plus de surface et arriver le plus vite possible au chevet des blessés.

Des signaleurs sont également postés tout le long du parcours pour indiquer le chemin aux coureurs et servent d’intermédiaires aux secouristes.

4.2-  UN SYSTÈME D’INSCRIPTIONS ALLÉGÉ POUR FACILITER LA PARTICIPATION AUX COURSES

Pour l’inscription à une course, depuis le 1er septembre 2024, le PPS (Parcours de Prévention Santé) a remplacé l’habituel certificat médical. Le PPS n’impose plus de visite médicale auprès d’un médecin. Il suffit simplement de le remplir sur internet dans un laps de temps de 3 mois avant la course.

Il y a quatre étapes qui vont venir sensibiliser les coureurs aux risques, aux précautions à prendre et aux recommandations médicales. À la fin de ce parcours, la personne doit simplement télécharger une attestation qui donne le droit de participer à une course.

Cette décision a pour but de faciliter les inscriptions pour chaque événement mais pose question en termes de sécurité pour le coureur. N’étant pas ausculté, il n’y a aucun moyen de déceler un problème cardiaque alors qu’avec un certificat médical, des examens comme un électrocardiogramme, des bilans sanguins pouvaient être effectués.

Avec un PPS, cela permet aussi à n’importe quelle personne de prendre part à une course sans forcément être prêt physiquement ni mentalement. Que ce soit des néophytes ou des coureurs plus expérimentés, ils vont vouloir répondre en surévaluant leurs capacités physiques pour obtenir cette autorisation.

Ce PPS n’est toutefois pas pris en compte pour les courses telles la Diagonale des Fous (175km à la Réunion). Un certificat médical est encore requis pour y participer. 

4.3 LES CAUSES DE DÉCÈS SURVENUS EN COURSE

Malgré les protocoles de sécurité, les précautions prises, il peut y avoir des décès en course même si cela arrive rarement.

Les causes peuvent être dues à des chutes en terrain technique, la faute à de mauvaises conditions météorologiques ou une fatigue extrême, des problèmes cardiaques, l’hypothermie.

Entre 2008 et 2019, 51 décès ont été recensés sur des courses européennes. 43% ont été causés par des arrêts cardiaques (la victime ne présente pas toujours de signes avant-coureurs), 31 % par des chutes, 16 % par hypothermie, 4 % par électrocution liée à la foudre, 2 % pour des attaques animales et le reste pour déshydratation. 88% étaient des hommes et 12%, des femmes. L’âge moyen des victimes tourne autour de 50 ans.

En France, trois à cinq décès sont recensés par an depuis 2023

En 2024, le 95 km du Haut-Giffre (Haute-Savoie) était organisé. Malgré des conditions climatiques catastrophiques (tempête de pluie, vent), la course avait été maintenue au risque de mettre en danger les participants.

Pendant la course, un homme a trouvé la mort suite à une chute accidentelle sur une pente raide et humide. La course avait donc été annulée, trop tard.

À la suite de cet accident, une enquête a été ouverte pour “mise en danger de la vie d’autrui” contre l’organisation. Marc Marsan De Montbrun, ostéopathe, espère “un meilleur encadrement et une prise de conscience générale dans le temps par rapport au gros volume de personnes qui se mettent à pratiquer la course longue distance”.

V – LA NUTRITION, UN FACTEUR ESSENTIEL DANS LA PRÉPARATION D’UNE COURSE

5.1- LES PLANS NUTRITIONNELS

L’alimentation va venir jouer un rôle crucial dans la course longue distance, mais  l’hydratation est également l’un des facteurs primordiaux pour réussir à terminer une course dans de bonnes conditions. Il ne s’agit pas de bien s’alimenter uniquement pendant l’exercice mais aussi avant et après la course.

“Les coureurs dépensent une grande quantité d’énergie et perdent des fluides et des électrolytes (composants chimiques qui transportent une charge électrique dans les liquides du corps). Ils régulent l’hydratation, la transmission nerveuse et d’autres fonctions vitales par la transpiration”.

Un apport nutritif régulier et une bonne hydratation sont donc essentiels pour éviter une perte d’énergie souvent synonyme de sous-performance ou même la déshydratation, un ressenti de fatigue extrême, voire de troubles plus graves.

Un traileur qui s’hydrate et s’alimente à la fin de son 25 km CP : Amélie Marsan

Un plan d’alimentation est souvent mis en place mais il doit être adapté aux besoins individuels et aux conditions de la course surtout lorsque ce sont des parcours exigeants sur de longues distances, sous peine de déséquilibrer sa performance et ses habitudes.

Hugues Laheuguère évoque son plan de nutrition qu’il a su adapter à ses besoins : “Avant la course, je vais manger beaucoup de glucides, pas trop de gras trois jours avant. Pendant, je prenais des gels au début mais ça ne me convenait pas. J’ai radicalement changé de régime alimentaire pendant la course en prenant des en cas pour le plaisir mais qui servent ma performance aussi comme du fromage, de la viande séchée, des compotes que je prends dans mon sac, pour l’énergie et du soda parfois. Ca m’a complètement changé parce qu’à cause des gels, je faisais des hypoglycémies, d’où l’importance de bien s’alimenter et s’hydrater.

Léo Vigier a quant à lui une approche totalement différente d’un plan nutritionnel de course longue distance. Au-delà de cette discipline, il doit aussi répondre à ses besoins nutritifs dus à son jeune âge.

“Il faut que je fasse attention à ce que je mange. Comme j’ai une grosse charge d’entraînement (six à sept par semaine), je vais avoir besoin de beaucoup d’énergie, donc il me faut des repas complets mais je ne me prive pas non plus. Je mange beaucoup plus depuis que je cours. À partir du petit-déjeuner (entre 8 et 9h), je vais manger à peu près toutes les deux trois heures avec un repas organisé à chaque fois”.

Sur chaque événement de course à pied, pour répondre aux besoins et aux envies de chacun en course, des stands de ravitaillement sont mis en place à des intervalles réguliers sur le parcours. Selon les courses il peut y avoir des encas/gâteaux sucrés et salés rapides à manger, des fruits, des boissons de type soda, énergisantes, même des soupes.

Mais beaucoup de coureurs préparent avant la course des ravitaillements personnels par peur de ne pas trouver, une fois en course, une collation qui leur convienne et qui viendrait influencer leur performance.

« Le corps pioche dans des réserves où il n’a pas l’habitude d’aller puiser »

Olivier Poujade, 43 ans et finisher de plusieurs marathons raconte son expérience : “Un week-end je courais sur un trail, je n’avais pas préparé mes collations comme d’habitude. Une fois arrivé aux ravitaillements, j’ai dû prendre des en-cas qui ne me convenaient pas, résultat plus j’avançais moins je me sentais bien. J’ai terminé la course sans atteindre mes objectifs, d’où l’importance de rester sur des collations dont on a l’habitude pour performer”.

Marc Marsan De Montbrun apporte son analyse professionnelle sur l’importance de la nutrition liée au bon fonctionnement et à la protection de l’organisme pendant les courses et vient valider les affirmations scientifiques évoquées.

“Ce qui se passe dans le corps d’un athlète quand il court sur une longue distance, c’est qu’il y a des gros changements de rythme, d’intensité donc déjà il faut pouvoir gérer ça. Le corps pioche dans des réserves où il n’a pas l’habitude d’aller puiser. L’organisme va chercher dans les graisses, il commence à manquer de certains minéraux, donc c’est important de pouvoir compenser le fait d’avoir une grosse activité physique avec une bonne alimentation et une bonne hydratation”.

5.2- LES MACRONUTRIMENTS ESSENTIELS POUR UNE BONNE PERFORMANCE

Les glucides sont la principale source d’énergie nutritive à prendre en compte pour faire une course. Ils permettent de réguler le taux de glycémie, de ne pas être en excès ni en manque. L’un ou l’autre peut être aussi dangereux pour l’organisme.

Avant la course il est conseillé de manger des aliments riches en glucides comme des féculents. Pendant l’exercice, il est préférable d’ingurgiter des glucides contenus dans les fruits secs, les boissons énergétiques. Il faut pouvoir allier le côté pratique à manger et rapide pour optimiser le temps de course.

Les protéines sont la deuxième source d’énergie mais elles ont davantage vocation à régénérer le système musculaire après l’effort. Il est donc conseillé de consommer des viandes blanches, des œufs, du poisson, des légumineuses dans l’alimentation du quotidien pour favoriser la performance. Après l’exercice, des en-cas riches en protéines facilitent la récupération.

Les lipides sont les macronutriments qui vont apporter de l’énergie à l’organisme à plus long terme et réguler les inflammations au niveau des muscles. Ils constituent la matière grasse des êtres vivants. Pour éviter d’emmagasiner de mauvaises graisses en avalant des lipides, la consommation d’aliments végétaux gras comme l’avocat est idéale.

Avec tous ces macronutriments à prendre en compte il est important, toujours en fonction des ressentis de chacun, de trouver un bon équilibre entre les lipides et les glucides. Une bonne alimentation doit être couplée d’une bonne hydratation. L’un ne fonctionne pas sans l’autre.

5.3- HYDRATATION

Avoir une bonne hydratation pour favoriser la performance et ensuite aider à la récupération est essentiel mais chaque coureur est différent. Et comme pour l’alimentation, il y a aussi des besoins et des envies propres à chacun qu’il faut prendre en compte pour ne pas se dégoûter soi-même de la course.

Les pratiquants pourraient penser que boire de l’eau est suffisant pour réaliser une longue distance en courant mais ce n’est pas le cas. Alors, les électrolytes, brièvement évoqués en début de partie, tels que le sodium, le potassium et le magnésium, “jouent un rôle crucial dans la prévention des crampes musculaires et la régulation de l’équilibre hydrique”.

Une traileuse munie d’un gilet et petites gourdes pour bien s’hydrater CP : Amélie Marsan

Une mauvaise hydratation engendre justement une déshydratation. Il est donc important de ne pas attendre la sensation de soif pour boire. Avant tout cela, il y a des manières d’agir pour éviter d’en arriver à ce point. Les coureurs ressentent dans ce cas-là, une soif intense, des étourdissements, des maux de tête. La performance dégringole de ce fait. Il est fortement conseillé de boire avant, pendant et après la course de façon régulière pour limiter les déconvenues. Inutile de boire à flot.

VI – RÉPERCUSSIONS DES EFFORTS SUR L’ORGANISME ET LE SYSTÈME NERVEUX

6.1- LES RÉACTIONS DE L’ORGANISME ET LES EFFETS CONNUS DE L’ULTRA ENDURANCE

Avant de faire un état des lieux des différentes réactions observées sur le corps à cause des courses longue distance, dans les faits, Marc Marsan De Montbrun explique ce qu’il observe chez les patients qu’il reçoit régulièrement. Ceux issus du trail et de la course sur route.

“Les coureurs que je suis, mais aussi de manière générale, sont souvent touchés aux membres inférieurs. Cela peut être des gênes fonctionnelles qui n’empiètent pas sur l’entraînement. Mais certaines le peuvent. 99% de mes patients sont atteints de douleurs aux chevilles, aux genoux, aux lombaires, au bassin. Si ce ne sont pas des douleurs dans les membres inférieurs, c’est souvent au niveau cervico dorsal”.

D’après lui, il peut aussi y avoir des pathologies avérées comme des gênes résiduelles aux chevilles, des tendinites, dans les genoux, (syndrome de l’essuie glace → frottement incessant entre des bandes de tissus située juste au dessus du genou et l’os), aux ischios jambiers ou dans les fessiers.

La crispation sur les visages montre que l’effort pèse sur l’organisme CP : Amélie Marsan

Les réactions inflammatoires font presque partie intégrante de la vie des coureurs longue distance. De manière générale, les ultra-trails sur les terrains montagneux sont synonymes de chemins abruptes et rocailleux.

D’après une étude de Grégoire Millet (professeur en physiologie de l’exercice à l’Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne) et de Pascal Balducci (entraîneur, chercheur ayant soutenu sa thèse en 2017 sur la place du coût énergétique dans la performance d’une course en montagne) publiée dans la revue scientifique Mains Libres, les phases de course descendantes « soumettent le quadriceps et le triceps sural (étape de contraction durant laquelle les deux extrémités du muscle s’éloignent), au moment où le pied va toucher le sol sur les premiers appuis ».

Ces contractions sont connues pour créer des lésions importantes au niveau des sarcomères. Il s’agit de millions de petites particules qui forment un muscle et se raccourcissent individuellement à chaque contraction.

On peut donc imaginer qu’au cours d’un trail cette action va se répéter des centaines de fois peu importe le profil du coureur.

La distance parcourue n’est pas le facteur principal de la dégradation des muscles, elle dépend plutôt “de l’entraînement, des proportions où le traileur va marcher ou courir et la vitesse à laquelle il va effectuer la course”.

« L’usure de mon corps vient davantage des gestes répétitifs de mon emploi »

Marc Marsan De Montbrun, ostéopathe, complète et humanise grâce à son expérience professionnelle, les études scientifiques :  “Le rapport que les gens ont à cette pratique (cette tendance à aller chercher l’extrême) beaucoup procèdent dans les règles de l’art, de façon cadrée et réfléchie mais d’autres ne mesurent pas toutes les variables à prendre en compte pour éviter de se mettre en danger, en effectuant des préparations de courses loin d’être optimales. Mais au niveau de la dégradation corporelle sur le long terme des patients que je suis, je ne constate pas de dégradations plus importantes dans cette discipline que dans une autre comme le rugby par exemple ».

Laurent Darot, entraîneur et coureur amateur explique son expérience personnelle des blessures : “je ne me suis jamais blessé gravement en courant. L’usure de mon corps vient davantage des gestes répétitifs de mon emploi de facteur que du fait de ma pratique de la course longue distance régulière”.

Le système cardiaque est mis à rude épreuve et pour ce qui est des conséquences à ce niveau, “les volumes cavitaires du cœur se développent et se remplissent plus vite”.

S’en suit une augmentation du volume de sang éjecté par chaque ventricule et la baisse de la fréquence cardiaque. Grâce à ce processus, le coureur en action ressent moins cette sensation de fatigue cardiaque dans le temps car le muscle en question fonctionne à une fréquence de contraction plus basse que celle que le corps s’attend à recevoir par rapport à la vitesse de déplacement du coureur.

La performance d’un coureur va aussi dépendre des réactions cérébrales. « Une augmentation de l’eau extracellulaire (représentant ⅓ de l’eau corporelle totale) est observée à ce niveau ». Mais les scientifiques ont encore trop peu de certitudes sur ces observations pour affirmer qu’il y a des conséquences directes sur le système cérébral.

Beaucoup de questions restent en suspens notamment sur un potentiel lien avec les hallucinations qui peuvent frapper les ultra-traileurs lors d’une course quand ils commencent à manquer de sommeil. Ces hallucinations modifient le temps de réaction du coureur dans des schémas de course déjà compliqués.

Les scientifiques se posent également la question de savoir si l’altitude et le dénivelé imposés pour un trail peuvent entraîner des œdèmes mais aucune hypothèse n’a encore été vérifiée à ce niveau.

« Je me focalise sur l’envie et la motivation de courir »

Quand on pense course, on pense en premier lieu aux répercussions musculaires. “Depuis que je cours je ne me suis jamais blessé, donc la peur d’avoir un souci musculaire c’est sûr que je ne la ressens pas puisque je me focalise sur l’envie et la motivation de courir”, explique Hugues Laheuguère.

La course longue distance implique la création de réactions inflammatoires parfois sur des zones précises du corps mais souvent, elles agissent de manière généralisée. Ce processus va venir augmenter le volume musculaire. Cela se traduit par le gonflement des tissus, l’augmentation de l’épaisseur des membranes fibreuses qui enveloppent la zone touchée.

Après tous ces efforts décuplés par l’épreuve, les ultra-traileurs n’ont que très peu de courbatures. Alors même que la douleur provoquée par les inflammations augmente progressivement tout au long de la course. Celles-ci engendreraient une “désensibilisation des muscles, masquant ainsi les courbatures”. Résultat d’un mécanisme responsable de relâcher des substances bloquant le processus. Pour ainsi dire, les douleurs ressenties pendant une course ne sont pas forcément synonymes de courbatures les jours d’après.

6.2- LES CONSÉQUENCES D’APRÈS COURSE

Ne pas négliger la préparation d’une course peut bien entendu être facteur de réussite ou simplement synonyme d’épargner son corps. Parfois, cela ne suffit pas.

Il peut y avoir des répercussions instantanément à la fin d’une course ou des mois voire des années après. Lisa, coureuse de trail a vécu une sorte d’enfer à la suite du trail de Madère en avril dernier :

“J’ai dû m’arrêter au bout de 20h de course à cause d’une tempête. J’étais en hypothermie, mon corps n’a pas su s’adapter au niveau du froid et de la pluie pendant ce trail. Les deux mois qui ont suivi, je faisais des hypothermies régulières sans le contexte de la course. C’était très difficile à gérer. Mon cycle menstruel a même été impacté. Donc c’est important de ralentir le rythme des courses quand il le faut”.

Cyril Da Costa, traileur depuis deux ans, a participé au marathon des Sables cette année. Il évoque à son tour la période d’après course qui peut parfois être complexe à gérer : “après le Marathon des Sables, pendant une semaine j’avais une routine de sommeil où je m’endormais naturellement très tôt à cause du surplus de fatigue lié à la course mais aussi l’accumulation des efforts de la préparation physique. Tout ça est venu peser sur mon état de forme général mais après quelques jours ça a commencé à aller mieux”.

Au niveau de la récupération, les réactions sont assez aléatoires en fonction des personnes mais “pour les très longues distances, le corps peut parfois mettre des semaines à s’en remettre avec les contre-coups de la course parce que l’organisme est allé puiser dans une boucle biochimique dans laquelle il ne va pas chercher d’habitude”, détaille Marc Marsan De Montbrun, ostéopathe.

CONCLUSION

L’augmentation du nombre de coureurs s’explique en partie par le fait d’avoir une envie, d’échapper au quotidien, de pouvoir se reconnecter à la nature et d’entretenir sa forme physique. Les effets de la pratique sur l’organisme sont nombreux mais les blessures très graves sont tout de même rares.

Toutefois, des dérives sont observées chez un bon nombre de personnes qui se mettent à pratiquer les courses longue distance. Certains prennent le départ de leur course sans s’être préparés en adéquation avec les exigences du parcours en question, que ce soit physiquement, nutritionnellement ou mentalement.

Ces constatations permettent de mieux comprendre le fonctionnement du corps humain et ses limites lors des efforts de très longue durée. En revanche beaucoup de zones d’ombre restent encore à explorer, les risques encourus par l’organisme sur le long terme sont encore mal connus. De nombreuses pistes sont étudiées par les scientifiques pour connaître davantage de répercussions que peuvent faire subir les courses longue distance au corps humain.

À l’heure où les défis deviennent hors-norme, à la limite du réel, des courses comme la Yukon Artic Ultra (640km dans le nord canadien en auto-suffisance), le marathon de Barkley (+de 200 km, dans le parc d’état de Frozen Head aux Etats-Unis) et d’autres sont mises en lumière ces dernières années. La visibilité autour de ces courses grandit malgré le danger de blessures graves voire pire.

Il n’y a que très peu de finisseurs lors de ces courses. Les abandons s’accumulent pour cause de fatigue extrême, froid et prennent le pas sur le mental et la résistance physique. Il faut donc redoubler encore davantage de vigilance quant à la manière d’organiser ces événements et surtout garder à l’esprit pour le coureur que les risques sont malgré tout bien présents pour l’intégrité du corps humain.

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