Les jeunes parents de la Gen Z révolutionnent la manière d’élever leurs enfants, en privilégiant la bienveillance et l’écoute active. Avec l’influence des neurosciences et des réseaux sociaux, ils cherchent à s’éloigner des modèles éducatifs autoritaires du passé. Mais cette volonté de créer une relation saine et respectueuse n’est pas sans défis, entre pressions sociales et exigences personnelles. Comment cette génération de parents réussit-elle à concilier idéaux et réalités du quotidien ?
« Comment je vais éduquer ma fille ? » explique Lisa, influenceuse et jeune maman de 20 ans (@lisaandhercamera) sur TikTok, où elle partage son quotidien avec ses 522 000 abonnés. Son programme est clair : « Je veux devenir une maman compréhensive. Je ne lui interdirai rien parce que c’est une personne à part entière. Je ne veux pas être tyrannique, je veux avoir une relation saine mère-fille. » Dans les commentaires, son approche suscite de nombreux encouragements. « Tu peux être ma maman aussi ? » plaisante une internaute, tandis qu’une autre applaudit : « C’est tellement une bonne éducation ! ». Les parents Gen Z font-ils une rupture radicale avec les modèles de parentalité plus autoritaires du passé ?
Aujourd’hui, 80,6 % des parents connaissent la notion de parentalité positive (ou éducation bienveillante). Pourtant, seuls 35 % d’entre eux l’appliquent, selon l’étude « Mpedia Parentalité » de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA). L’Académie Innovation en Éducation la définit comme “un accompagnement éducatif basé sur la non-violence, l’écoute active, la communication ouverte et le respect des besoins de chacun”. Aussi appelée discipline positive ou éducation respectueuse, elle repose sur la bienveillance, la confiance et le soutien. Concrètement, c’est laisser son enfant faire des choix, ne pas le laisser pleurer mais plutôt le guider dans ces émotions lors d’une crise, ou encore lui apprendre la frustration en validant ses émotions.
Une éducation guidée par les neurosciences
Les avancées scientifiques sur le développement infantile influencent cette nouvelle vision de l’éducation. Patricia Rodrigues, psychologue spécialisée en parentalité, observe chez les jeunes parents une volonté de respecter le rythme et les émotions de leurs enfants. « On sait mieux comment fonctionne le cerveau de l’enfant, et les parents veulent adapter leur posture en conséquence », explique-t-elle. «Je remarque que ces enfants sont plus éveillés à leurs émotions, capables d’exprimer ce qu’ils ressentent. Et de l’autre côté, il y a une volonté sincère des parents d’être à l’écoute et de faire au mieux. »
Les réseaux sociaux participent largement à la diffusion de ces idées en facilitant l’accès aux informations et aux conseils d’experts. Ils deviennent ainsi une ressource précieuse pour les jeunes parents en quête d’outils et de solutions concrètes. « Certaines mesures éducatives peuvent avoir des conséquences sur le développement d’un enfant. Les parents Gen Z ne veulent pas reproduire ça. On cherche aujourd’hui une coopération plutôt qu’une obéissance. On ne veut pas imposer les choses mais pouvoir inclure son enfant dans ces choix. On est conscients que l’enfant doit apprendre la frustration sans imposer une autorité », ajoute la professionnelle.
Les réseaux sociaux, alliés et pièges de la parentalité
Si les réseaux sociaux permettent de démocratiser l’éducation bienveillante, ils peuvent aussi mettre une pression immense sur les parents. « Beaucoup se comparent à des influenceurs montrant une parentalité idyllique. Celles qui ne vivent pas cette réalité se demandent si elles sont le problème » alerte Patricia Rodrigues. Une pression d’autant plus problématique que le suicide est aujourd’hui la première cause de mortalité maternelle jusqu’à un an après la grossesse, selon un rapport de l’Inserm et de Santé Publique France publié le 3 avril dernier.
De plus, si l’intention des jeunes parents est bienveillante, l’application reste complexe. « Ils veulent tellement bien faire qu’ils intellectualisent trop. Ils passent beaucoup de temps à rechercher des activités, à analyser leurs émotions, mais cela devient parfois moins intuitif », souligne la psychologue. L’évolution de la société joue également un rôle dans la façon dont la Gen Z envisage la parentalité. « Aujourd’hui, on éduque moins les petites filles à devenir mères. Il y a moins d’injonctions à la maternité dans les familles », observe Patricia Rodrigues. Beaucoup de femmes restent conscientes des inégalités que la parentalité peut créer, notamment en matière de carrière. Même si les pères s’investissent davantage, ce sont encore les mères qui subissent le plus d’impacts. L’éco-anxiété joue aussi un rôle important dans ces réticences. L’incertitude liée au changement climatique pousse de nombreux jeunes à s’interroger sur l’opportunité d’avoir des enfants.
Face à l’idéalisation de la parentalité bienveillante, une nouvelle tendance a émergé sur TikTok : les mamans « Ghettossori ». Elles déculpabilisent et parlent d’une éducation plus intuitive et pragmatique. « Bien sûr que je préviens mes enfants du danger, mais s’ils ne m’écoutent pas et se blessent, je leur dis ‘Je te l’avais dit’ », plaisante une utilisatrice sous une vidéo virale. Cette tendance illustre la volonté de trouver un équilibre entre discipline et respect de l’enfant. Car si la parentalité positive est une aspiration forte, son application demande de l’adaptation et, surtout, une bonne dose de réalisme.