Deux hommes de 45 et 39 ans ont été condamnés hier par le tribunal judiciaire de Toulouse pour une bagarre avec arme blanche. Malgré une version différente des faits, ils écopent de trois mois de prison avec sursis.
Ce qui devait être une simple soirée entre amis a viré au cauchemar. Les deux prévenus s’avancent lentement dans le box pour être entendus. Ils comparaissent, ce jeudi 30 janvier au tribunal judiciaire de Toulouse, pour des faits de violence avec armes dans la commune de St Jory. Stéphane, un conducteur de bus de 45 ans et Christophe, un homme de 39 ans sans emploi, participent à une fête chez une tierce personne.
À la barre, leurs versions s’affrontent sur les événements de cette soirée du 27 au 28 janvier. Ce soir-là, les prévenus et l’ex-compagne de Stéphane arrivent à cette soirée. L’ambiance est festive, la cocaïne circule sur la table, et les discussions s’enchaînent. Christophe quitte les lieux autour de 3h du matin avant de revenir à 5h, visiblement en colère. C’est à ce moment que la situation dégénère.
Deux récits pour une même nuit
D’un côté, Stéphane raconte que Christophe aurait dissimulé un couteau impressionnant de 40 cm dans son col ou sa manche – son discours est un peu incohérent – avant de l’exhiber. Le président du tribunal lui demande alors de lui mimer la taille du fameux couteau. “C’est une machette ça monsieur” s’est-il alors exclamé en plaisantant.Selon le prévenu, en arrivant Christophe aurait exigé le remboursement de 70 euros, soit l’équivalent de la somme de cocaïne qu’il aurait rapporté. “Je n’ai pas compris car je n’ai consommé que la cocaïne que j’avais acheté avant la soirée” a-t-il indiqué. Stéphane et sa compagne serait parvenu à le désarmer, mais la jeune femme se blesse dans l’altercation. L’arme aurait ensuite été jetée par le balcon, mais aucune trace du couteau n’a été retrouvée. Alors que la tension semble retomber, une nouvelle altercation éclate. Cette fois, Christophe “attrape mon couteau dans ma poche, je ne sais pas comment, et nous menace“ a expliqué Stéphane au tribunal
Mais Christophe a une toute autre version des faits. “Je ne suis jamais venu avec un couteau ! Ça ne s’est jamais fait comme ça !” a-t-il clamé à la barre. Selon lui, il serait revenu à la soirée pour voir le propriétaire des lieux, qui serait son ami. “C’est mon ami, je voulais boire un verre avec lui” déclare le prévenu. C’est en arrivant qu’il comprend que ses 70 euros ont disparu. Il les aurait laissés pour participer aux frais de la soirée. Il demande alors des explications aux autres invités, Stéphane et son ex. « Ce sont des junkies, ils sont consommateurs de drogue, ils ont le cerveau en vrac », a-t-il déclaré, agité, devant le tribunal, insinuant qu’on ne pouvait pas leur faire confiance. Selon lui, c’est Stéphane qui aurait sorti un couteau en premier pour le menacer. En tentant de se défendre, Christophe se blesse au doigt. La femme aurait été accidentellement blessée en essayant de les séparer.
Après plus de 30 minutes de discussion, le président demande aux deux prévenus de s’asseoir. C’est alors que le procureur se lève et prend la parole : “Nous avons ici 2 profils très différents. D’un côté, Stéphane ayant deux enfants, un métier depuis près de 20 ans et un casier judiciaire vierge. Et de l’autre Christophe sans emploi sorti de prison en 2022 et condamné par la justice à de nombreuses reprises”. Malgré cette circonstance, celui-ci nuance son propos. “Je ne vois cependant pas comment Christophe aurait eu le temps d’attraper l’opinel dans la poche avant de Stéphane, le déplier et s’en servir tout en continuant l’altercation. Cela me parait impossible”. Avant de terminer son intervention, le procureur laisse un silence dans la salle. Il regarde fixement le président, et lui dit : “Monsieur le président, je vous demande de juger cette affaire avec tous les éléments dont vous disposez, et de la manière la plus équitable possible”.
Une défense de haut vol
C’est ensuite au tour des avocats de s’exprimer. L’avocat de Stéphane est appelé le premier. Il s’avance et commence avec ces quelques mots. “Monsieur le président, Stéphane est une personne honnête, il a des enfants et un emploi depuis 19 ans maintenant. Il serait incapable de faire une chose pareille”. De plus, maître Agba Kwasigan insiste sur les menaces proférées par Christophe au cours de la soirée. “ Il a dit vouloir faire je cite “une boucherie”, ce n’est pas le comportement de quelqu’un qui est sur le point de se faire agresser”. L’avocat ajoute également qu’après l’altercation Stéphane était sur le balcon pour appeler la gendarmerie, ce qui n’est pas le comportement d’une personne coupable. Il termine en insistant sur l’honnêteté de son client. “Il est vrai que Stéphane consomme de la drogue depuis un an, il l’a reconnu alors qu’il n’y avait pas de preuves avant cette soirée, moi j’appelle cela de l’honnêteté. Alors, pourquoi mentirait-il sur cette affaire ?”.
L’avocat de Christophe s’avance à son tour et rentre dans le vif du sujet. “Puisqu’ il est question d’honnêteté, parlons-en. Les discours de Stéphane et son ex petite amie sont quasiment identiques, mise à part sur la provenance de la cocaïne. Comment expliquer une telle chose ? Selon le premier Christophe aurait apporté la cocaïne à la soirée et selon la deuxième c’est Stéphane qui l’aurait apporté”. Maître Virgil Augot ajoute : “Stéphane à d’abord indiqué une lame de 50 centimètres puis ensuite de 30, ce qui n’est pas du tout la même chose. Il a déclaré que la lame était cachée dans son col puis dans la poche arrière de son pantalon et finalement dans la poche avant de son pantalon. Il n’a jamais été question de 3 lames monsieur le président. Mon client s’est fait voler 70 euros, a réclamé son dû et s’est fait agresser”. Après un bref moment de silence, stupeur dans la salle : l’avocat demande la relaxe de son client : “Atteint de troubles psychologiques et autistiques, Christophe a besoin de soins, pas d’un emprisonnement”.
Le tribunal coupe la poire en deux
Deux versions pour une même condamnation ! Après un suspens de plus de 20 minutes, le président déclare les deux prévenus coupables. Ils écopent chacun de trois mois de prison avec sursis. Stéphane a interdiction de porter tout type d’arme pendant une durée de cinq ans. Christophe devra lui porter un bracelet électronique avec obligation de soins.
Un article écrit par Julie Nemeth et Mathis Baumann