Prolongés jusqu’en 2026 pour les achats alimentaires en supermarché, les titres-restaurants opposent restaurateurs et consommateurs. Quand les premiers dénoncent un manque à gagner, les seconds y voient un coup de pouce bienvenu face à l’inflation.
Le Sénat a tranché le 14 janvier dernier : les titres-restaurants pourront être utilisés dans les grandes surfaces alimentaires, et ceux jusqu’à la fin 2026. Les 6 millions de français qui en sont bénéficiaires peuvent faire les courses et acheter avec : beurre, lait, pâtes et compagnie. Depuis le 1er janvier 2025, l’absence de cadre législatif laissait planer un flou. L’utilisation était variable selon les enseignes. Leclerc par exemple acceptait une utilisation qui se limitait à l’achat de produits alimentaires consommables immédiatement (sandwichs, plat à réchauffer, fruits, …). A l’origine, la dérogation avait été accordée depuis le Covid pour soutenir le pouvoir d’achat.
Des restaurateurs mécontent
Le retour de cette mesure fait grand bruit chez les restaurateurs. “Cette prolongation est une honte pour les restaurateurs en France. Moi j’ai vu la différence. Quand c’était réinterdit pour les courses, j’ai eu beaucoup plus de paiement par ticket-restaurant. Et depuis la prolongation, c’est tout de suite retombé. C’est un énorme manque à gagner pour les restaurateurs”, s’offusque Olivier, patron d’un bistrot à Toulouse.
Une perte financière confirmée par la Commission nationale des titres-restaurants (CNTR). L’année 2024 s’élève à près de 600 millions d’euros. « Un chiffre colossal », déplore Franck Chaumès, président national de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie. “Déjà que les temps ne sont pas facile pour nous, c’est compliqué d’avoir des titres-restaurant qui servent à faire les courses au supermarché”, confie Benoît, restaurateur dans la banlieue toulousaine. Un constat partagé par sa voisine restauratrice : “Au lieu de venir chez nous les gens préfèrent aller faire leurs courses, ce n’est pas ce qui était prévu à la base. Quelqu’un qui a 25 euros à dépenser avec sa carte, (limite journalière imposée, ndlr), ne va pas forcément privilégier le restaurant. Et d’un côté je suis partagée car il faut comprendre les contraintes actuelles, le restaurant ça reste un loisir.” Le syndicat UMIH Restauration indique que 40% des titres-restaurants sont dépensés dans des établissements dédiés à l’origine.
Des consommateurs ravis
Ce qui fait le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les consommateurs conservent du pouvoir d’achat grâce au prolongement de cette mesure. “Avec cette carte je vais chez mon boucher, ça me permet de manger de la viande de meilleure qualité sans me ruiner”, témoigne Jeanne, mère de deux enfants. Certains s’en servent pour gagner en confort de vie, d’autres en sont dépendants : “Moi je m’en sers uniquement pour faire mes courses. J’ai besoin d’aller au supermarché, pas d’aller au restaurant. Par exemple, au lieu de payer 150 euros de courses avec ma carte bancaire, je paye plus que 70 euros. L’argent sur cette carte me permet d’économiser”, explique un salarié qui préfère rester anonyme. Son collègue poursuit : “Je vais chercher à manger pour le midi avec, c’est bien car ça nous permet de garder du pouvoir d’achat”.
Cette prolongation pour les deux prochaines années suscite donc le débat, entre revendications des restaurateurs, et coup de pouce financier pour les consommateurs.