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Le renouveau du jeu de rôle : des mondes fantastiques, mais des émotions bien réelles

Chez Christophe et ses amis, la bibliothèque est remplie de scénarios! Photo: Christophe Roger
Chez Christophe et ses amis, la bibliothèque est remplie de scénarios! Photo: Christophe Roger

Longtemps perçu comme une pratique de niche, le jeu de rôle connaît aujourd’hui un regain d’intérêt, avec un public varié. Cet univers allie imagination, émotions et rencontres humaines.

Il est 3h du matin dans les rues de Toulouse. Un homme en cape noire traverse la place du Capitole, poursuivant une silhouette effrayée qui s’enfuit dans une ruelle. Les passants, intrigués, ignorent qu’ils assistent à une scène de jeu de rôle grandeur nature. Pour Bertrand, un ancien joueur, ces moments restent gravés dans sa mémoire : « Les instructions arrivaient, et on jouait. Tout était immersif : les capes, les personnages, même la peur. À cette heure-là, personne ne sait que c’est une fiction. » Ces jeux, où le réel se mêle à l’imaginaire, incarnent l’essence même du jeu de rôle : vivre intensément des aventures uniques.

Le retour d’une pratique oubliée

Délaissé à l’aube du 21ᵉ siècle au profit des jeux vidéo et des jeux de plateau, le jeu de rôle connaît aujourd’hui un véritable retour en force. Avec des kits d’initiation simplifiant l’accès à ces univers et des campagnes financées par des plateformes participatives, cette pratique retrouve une seconde jeunesse. Arnaud Perrier, responsable de la boutique toulousaine « C’est le jeu », observe ce phénomène au quotidien : « On a de plus en plus d’adultes qui reviennent vers les jeux de rôle, souvent pour y jouer avec leurs enfants. Ces kits permettent à des novices de s’immerger rapidement, sans avoir à lire des centaines de pages de règles. »

Mais au-delà des outils simplifiés, c’est l’attrait pour des aventures collaboratives, infinies et profondément humaines qui fait la magie du jeu de rôle.

Plus qu’un jeu : une véritable catharsis

Le jeu de rôle n’est pas qu’une question de dés, de papier et de crayon. Il s’agit surtout d’une expérience où chaque joueur incarne un personnage évoluant dans un monde imaginé collectivement. Christophe, un étudiant de 25 ans, raconte son initiation : « J’ai découvert ça par hasard en colonie. Ce qui m’a marqué, c’est cette liberté totale : tu peux créer ton univers, tes règles, et même faire des bêtises. C’est un espace d’expression infini. »

Cependant, Christophe ajoute une nuance importante : « Il ne faut pas voir le jeu de rôle comme une forme de jeu de société. Faire une partie de Uno, c’est bien. Faire deux parties de Uno, c’est bien. Mais ça reste une partie de Uno. Faire une partie de jeu de rôle, c’est bien. Mais quand tu finis la deuxième, tu te demandes déjà ce qu’on fait à la prochaine. »

Des livres de jeux de rôle. Crédit photo: Christophe Roger

Cette capacité du jeu de rôle à s’étendre dans le temps, à créer des liens et à provoquer des émotions fortes en fait une pratique unique. Pour Bertrand, l’attachement aux personnages peut même aller jusqu’à brouiller la frontière entre fiction et réalité : « J’ai eu le même personnage pendant deux ans : un garde du corps amoureux de la fille qu’il devait protéger. Si un jour je croise cette fille dans la rue, je la reconnaîtrai. Ces histoires, ces relations, tout est si réel qu’on les vit quasiment avec le même impact que si c’était authentique. »

Mais cette liberté peut aussi être un miroir des émotions et des traumas des joueurs. « Un maître du jeu connaît ses participants. Parfois, il introduit des éléments qui résonnent avec leur vécu. Par exemple, faire mourir un proche du personnage peut aider à gérer une perte réelle. C’est intense, mais ça a du sens », confie Christophe.

Une pratique intergénérationnelle

Aujourd’hui, le jeu de rôle séduit un large public, des jeunes curieux aux parents désireux de partager une activité avec leurs enfants. Arnaud Perrier souligne : « On voit souvent des familles jouer ensemble. Le jeu de rôle, c’est le contraire du numérique : on se retrouve autour d’une table, on discute, on collabore. C’est un lien humain qui se crée. »

De nombreux joueurs décrivent également le jeu de rôle comme un catalyseur d’amitiés. « J’ai rencontré des gens que je n’aurais jamais croisés autrement. Ces moments de partage forgent des liens », confie Bertrand.

Note de l’auteur

En m’intéressant à cet univers, je m’attendais à découvrir des pratiques modernisées, des mécaniques renouvelées ou une influence grandissante du numérique. Pourtant, ce qui m’a frappée, c’est à quel point le jeu de rôle est resté pur, fidèle à ses racines. Les dés, les crayons, l’imaginaire collectif : rien n’a changé en vingt ans. La magie opère encore, et elle repose sur ce qu’il y a de plus simple et de plus authentique. Une table, des amis, et l’envie commune d’échapper, le temps d’une partie, au monde réel.

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