Télétravail mon amour

Télétravail

Alors que de nombreux salariés prennent le pli du télétravail et s’en accommodent tant bien que mal, d’autres, comme Johan, profitent de cette parenthèse sanitaire pour prendre certaines libertés et cultiver leurs passions.

Quinze heures, milieu d’après-midi. Johan, 23 ans, a son petit rituel : il allume son second écran d’ordinateur, branche son micro-casque, éteint la musique qui résonne dans son studio et… sort une bière du réfrigérateur. “Je vais finir alcoolique à force de bosser chez moi”, lance-t-il le sourire en coin. Au premier coup d’œil, d’aucuns dirait que Johan a pris le “mauvais” pli du télétravail : dès qu’il en trouve la possibilité, le jeune homme “déserte” son poste. “Je sais bien que j’abuse de plus en plus du télétravail, mais d’un autre côté je ne me suis jamais senti aussi épanoui au boulot”, explique-t-il le regard dans le vague en vidant sa bière.

Comme bon nombre de salariés, Johan a vu d’un bon œil les recommandations du gouvernement, qui impose, depuis le 3 janvier, trois jours de télétravail obligatoire pour les salariés qui le peuvent. A partir du 3 février, cette contrainte disparaîtra mais le télétravail restera une pratique « recommandée ». Finalement, Johan résume très bien sa situation : “c’est en m’éloignant le plus possible du taf que je m’y sens le mieux”.

Johan est plutôt beau, élégant, ultra-sympathique, et travaille depuis plus de deux ans pour un grand groupe aéronautique de la région toulousaine. Le jeune homme, en CDI depuis un an, opère dans un micro-service composé de cinq salariés. Pour faire simple, c’est à Johan et ses collègues qu’incombe la tâche de résoudre les bugs que rencontrent les internautes sur le site web du groupe. Pour “déserter” son poste, rien de plus simple : Johan clique sur un bug rapporté par le logiciel de l’entreprise, déclare à ses collègues qu’il s’en saisit, et tape quelques mots dans la barre de correction (de sorte que ses collaborateurs constatent qu’il est en train de traiter ce bug). Et voilà au moins une heure de gagnée.

Télétravail « fantôme »

Lorsqu’on lui demande de parler “boulot”, Johan ne se montre pas vraiment disert : “ça paye bien, mais ce n’est pas la folie niveau ambiance…”, lâche-t-il l’air dépité. En revanche, au sujet de la musique, de sa passion pour le travail du son et de l’enregistrement, il est intarissable. Cette ambivalence, Johan la cultive un jour sur deux, dès lors qu’il peut télétravailler. “Quand je travaille à la boîte, les journées sont interminables. Après un an et demi de télétravail “”fantôme””, j’ai vraiment du mal à retourner là-bas. C’est d’autant plus chiant que je progresse de plus en plus sur mes prods” (ndlr : productions, compositions musicales que Johan enregistre de bout en bout).

Dès qu’il s’octroie un moment, il ne faut pas croire que Johan flâne, bien au contraire. Dans son bureau qui fait office de studio d’enregistrement, d’un simple tournoiement sur sa chaise, Johan troque sa casquette – ou sa cravate – de jeune cadre dynamique pour celle de producteur-beatmaker, une passion que le toulousain cultive depuis plusieurs années. Souvent seul devant son écran, Johan invite parfois des amis pour “poser”, c’est-à-dire enregistrer leur voix au micro. “C’est assez rare que j’invite des amis, mais quand je sens que j’ai un créneau assez long, je n’hésite pas”, lance-t-il les yeux rivés sur son logiciel d’enregistrement.

« Alors on ne bosse pas aujourd’hui ? »

Justement, ce lundi 14 février, Johan est rejoint par Azar, un ami et chanteur, qui vient enregistrer. « Alors on ne bosse pas aujourd’hui ? », lance-t-il à Johan le sourire ironique. « Faut croire que non », lui répond tout sourire le jeune homme. Johan jette un coup d’œil sur son ordinateur portable. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles : « on va peut-être pouvoir gratter une heure de plus ».

Contrairement à de nombreux salariés qui ne supportent plus le travail à distance, Johan en redemande : « personnellement si je pouvais être à 100 % en télétravail je prendrais ! », explique-t-il avant de tempérer : « en même temps je ne pourrais pas rester chez moi toute la semaine à ne faire que de la musique… » Le temps à peine de terminer sa phrase qu’une son de cloche alertant d’une notification résonne dans le bureau exigu du Toulousain. « Ah ! C’est l’heure de pointer », s’exclame Johan.

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