Excision : « Intervenir sur le clitoris, c’est contre-nature »

Depuis 2012, l’Organisation des Nations unies (ONU) proclame le 6 février comme étant la journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines. En Occitanie, l’association « Ta vie en main », antenne GAMS Occitanie, accompagne les femmes victimes de cette pratique. Rencontre avec Coumba Baby, l’une des fondatrices de l’association.

« Je suis une personne qui a été excisée, en France, lorsque j’étais bébé », témoigne pudiquement Coumba Baby. Cette mutilation sexuelle est une expérience traumatisante qui provoque des séquelles sur la santé et la vie de femme. « L’excision n’est pas faite dans un cadre médical, ni sous anesthésie : c’est fait avec violence. Ça doit être très rare de voir une personne écarter les jambes et attendre qu’on l’excise », estime-t-elle.

L’excision, c’est quoi ?

Mais de quoi parle-t-on lorsqu’on traite d’excision ? « C’est une intervention chirurgicale qui n’a pas lieu dans le cadre médical. On ampute une partie ou la totalité du clitoris, un organe encore assez méconnu aujourd’hui », indique la jeune femme qui ne mâche pas ses mots : « La femme devrait être libre de son corps. Elle a été pourvue d’un clitoris depuis le début : intervenir là-dessus, c’est contre-nature ».

L’Organisation Mondiale de la Santé distingue 4 types de mutilations sexuelles : l’ablation partielle ou totale du gland clitoridien (clitoridectomie), celle du clitoris et des petites lèvres (excision), le rétrécissement de l’orifice vaginal par recouvrement (infibulation) mais encore l’ensemble des interventions néfastes au niveau des organes génitaux féminins à des fins non-médicales.

Ces mutilations sont interdites et punies par la loi française. De nombreux textes existent comme l’indique la fédération nationale GAMS sur son site Internet.

Une pratique fondée sur des croyances

Lorsqu’on évoque les mutilations génitales, un amalgame est fait avec l’Islam. « Certaines personnes prétextent que c’est une recommandation de la religion musulmane. En réalité, il n’en est rien », assure celle qui est originaire de la région parisienne. Un propos confirmé par le thérapeute de couple et fin connaisseur du Coran, Ali Habibbi, en 2016 au journal Le Monde : « Les trois hadiths qui parlent d’excision sont jugés comme de faible authenticité par les exégètes et ne font donc pas force de loi. L’excision est une pratique qui existe en réalité depuis des millénaires, et elle n’a rien à voir avec une quelconque religion ».

Pour Coumba Baby, cette pratique serait le fruit de croyances visant à discipliner le corps. « Des gens pensent qu’à partir du moment où l’on retire le clitoris, les jeunes femmes n’auront plus de pulsions sexuelles. Ainsi, elles ne seraient pas tentées d’avoir des relations avec d’autres personnes. Ce serait la promesse d’une vie maritale, stable et pérenne », explique-t-elle avant d’enchaîner, « On ne peut pas juger ceux qui pratiquent l’excision. Ces familles souhaitent transmettre des pratiques traditionnelles et culturelles. Toutefois, on a le droit de penser que c’est néfaste pour la santé des femmes. Des études scientifiques et donc objectives le prouvent. » Parmi elles, on trouve une étude de l’OMS publiée en 2008. Elle fait notamment état de nombreux dangers à l’accouchement.

Excisée dès son plus jeune âge, elle n’aura pas eu le choix. Lorsqu’on l’écoute parler de ces mutilations, on pourrait croire qu’elle en veut à sa famille sénégalaise. Pourtant, ce n’est pas le cas : elle fait preuve de compréhension. « Il y a une forte pression sociale de la part de la communauté à laquelle on appartient. Pour ma part, ma mère n’a pas vraiment eu le choix. Lorsque des parents s’opposent à la mutilation, d’autres personnes font en sorte de récupérer l’enfant et le font exciser. Cette décision peut revenir à des personnes qui ne sont pas les représentants légaux de l’enfant », indique-t-elle.

Sans clitoris, plus aucun plaisir ?

Le clitoris est un organe très souvent assimilé aux relations sexuelles. Lorsqu’il est supprimé, est-ce la fin du plaisir ? « Cela peut l’être, car c’est traumatisant. De plus, il y a parfois des dysfonctionnements sur l’appareil génital et urinaire », explique Coumba Baby.

Bien qu’elle traumatise à vie, cette amputation peut être « réparée » physiquement. Dans les années 80, le docteur Pierre Foldès a mis au point une chirurgie réparatrice du clitoris. Comme l’explique le quotidien espagnol, El País, cet urologue français a opéré 6 000 femmes et formé 200 confrères à travers le monde. L’opération consiste à rejuxtaposer la partie immergée du clitoris à la place du clitoris blessé. Il ne s’agit donc pas d’un organe artificiel.

« Certaines femmes ne souhaitent pas avoir recours à la chirurgie car elles vivent très bien cela. Elles ont peut-être accepté que c’était ainsi culturellement et peut-être qu’elles éprouvent aussi du plaisir. Toute femme, qu’elle soit excisée ou non, peut ou ne va pas forcément ressentir de plaisir au moment d’une relation sexuelle », précise la jeune femme.

Dans l’Hexagone, cette chirurgie réparatrice est remboursée à 100 % par la Sécurité Sociale. À Toulouse, le docteur Fabien Vidal de l’hôpital Paule de Viguier et sa consœur Ludivine Genre à la clinique Pasteur pratiquent cette opération.

Un phénomène qui ne se limite pas qu’à l’Afrique

D’après l’ONU, 4,1 millions de filles dans le monde risquent de subir des mutilations génitales féminines en 2020. Aujourd’hui, l’organisation dénombre 200 millions de femmes excisées à travers le monde. Elle espère mettre un terme à cette pratique d’ici 2030. Certaines idées reçues laissent croire que ce phénomène n’existe qu’en Afrique. Cependant, comme pour le lien supposé avec l’Islam, c’est faux.

Toujours selon les Nations unies, ces pratiques sont concentrées dans 30 pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Toutefois, elles existent également sur les autres continents. « La pratique des mutilations génitales féminines (MGF) est un problème universel. Elle persiste également dans certains pays d’Asie et d’Amérique latine, ainsi que parmi les populations immigrées vivant en Europe occidentale, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande », peut-on lire sur le site web de l’ONU.

Éradiquer un phénomène mondial, ancré dans plusieurs cultures, en seulement 10 ans : un objectif qui semble assez complexe, voire utopique.

Si vous êtes confrontés à des mutilations sexuelles ou à un mariage forcé, vous pouvez prendre contact avec l’association « Ta vie en main », antenne GAMS Occitannie :
Contact : 0679782244 / tavieenmain@gmail.com

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