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Ernest Wallon, un théâtre sportif historique vers une diversification de ses activités

Le stade Ernest Wallon en 2025 © Nathan BARANGE
Le stade Ernest Wallon en 2025 © Nathan BARANGE

Depuis plus d’un siècle, le stade Ernest Wallon est considéré comme la maison du Stade Toulousain. Il est le témoin historique des exploits sportifs du club rouge et noir. Mais aujourd’hui, il tend de plus en plus à diversifier ses activités et les événements qu’il accueille.

Pour comprendre pourquoi le mythique stade d’Ernest Wallon est aujourd’hui devenu l’enceinte la plus reconnue en France et compte parmi les lieux incontournables du rugby mondial, il faut revenir un peu en arrière, faire un peu d’histoire.

« C’est un stade qui a accompagné toutes les grandes époques du Stade Toulousain. Les titres, les joueurs emblématiques, les matchs européens… Il a une âme. Quand on y entre, on sent tout de suite le poids de l’histoire, mais aussi la convivialité du rugby à la toulousaine », raconte René Bouscatel, ancien président du club de 1992 à 2017 et également ancien président de la LNR ( Ligue Nationale de Rugby) de 2021 à 2025. « C’est un stade à taille humaine, avec une âme. Tout le monde s’y sent chez soi. Les joueurs comme les supporters ont un vrai attachement au lieu », témoigne Sylvie Roualdes de l’association des Amis du Stade.

Une histoire de longue date

Depuis la création du Stade Toulousain en 1907, il est le terrain, le théâtre des joueurs de rugby de la ville rose. Le club occitan commence à écrire sa légende entre 1922 et 1927. Pendant cette période, les toulousains alignent cinq titres de champions de France dont trois consécutifs entre 1922 et 1924. Ensuite, malgré quelques coups d’éclats au sortir de la seconde guerre mondiale, comme en 1947 où ils retrouvent le succès d’un titre de champions de France en étant invaincus, il faudra attendre les années 80 pour que le Stade Toulousain s’affirme définitivement comme un acteur majeur du rugby. 

Entrée historique du Stade Toulousain au terrain Ernest Wallon dans les années 1930 © Les Amis du Stade

C’est après la finale de 1980, perdue contre Béziers, que le club se dote d’une structure et d’une méthode aujourd’hui encore référentielle. Le Stade Toulousain révolutionne le sport entre 1984 et 1989 autour du projet de jeu initié par Robert Bru. Plus tard, entre 1994 et 1997, l’équipe entraînée par Guy Novès décrochera quatre nouveaux titres consécutifs. Le club ira même gagner sa première Coupe d’Europe en 1996. Cinq autres Champions Cup et dix boucliers de Brennus plus tard, le club du Stade Toulousain est aujourd’hui une institution majeure dans le monde du rugby mondial. 

Pendant plus d’un siècle, c’est tout un club, toute une ville qui a vibré et chanté les succès du Stade Toulousain. Avec, depuis toujours, Ernest Wallon en terre d’accueil de ces moments qui ont forgé l’histoire, l’identité, la renommée du club rouge et noir. 

Ernest-Wallon, enceinte sportive entre tradition, passion et professionnalisation

Ernest-Wallon est bien plus qu’un lieu sportif, il est un symbole. René Bouscatel le rappelle volontiers : « Ernest-Wallon, c’est d’abord une histoire. Le Stade Toulousain y a élu domicile en 1982, à une époque où beaucoup de clubs jouaient encore dans des stades municipaux. Dès le départ, ce lieu a été pensé comme un espace dédié uniquement au rugby ». En devenant le premier stade de rugby en France entièrement maîtrisé par un club, Ernest-Wallon a marqué l’entrée dans une nouvelle ère. Celle de la professionnalisation, de l’exigence sportive, mais aussi de la construction d’une identité propre, profondément ancrée dans la ville.

Ernest Wallon à guichet fermé lors d’un match de championnat © Clément Sajus

Cette singularité explique aussi son attractivité grandissante pour les grandes échéances du rugby français. Depuis plusieurs années, la finale de Pro D2 s’y dispute, et ce choix n’a rien d’un hasard. Avec ses 19 000 places, l’enceinte offre un compromis rare : un cadre prestigieux mais à taille humaine, garant d’une ambiance dense et populaire. Pour René Bouscatel, la dimension humaine du stade et sa localisation au cœur d’un territoire de rugby en font une évidence : « On voulait un cadre prestigieux, mais aussi chaleureux et accessible, qui permette à cet événement de garder une dimension populaire. La localisation à Toulouse est aussi un avantage, c’est une ville de rugby ». D’année en année, la finale y trouve une atmosphère unique, amplifiée par la proximité des tribunes et la tradition festive locale.

Moderniser sans trahir l’esprit du lieu

Depuis son départ de la présidence du club puis de la LNR, Bouscatel observe avec fierté l’évolution de l’enceinte. Modernisé sans être dénaturé, le stade a connu des transformations importantes. Réhabilitation des tribunes, montée en gamme des espaces d’accueil ou encore, intégration d’outils technologiques pour enrichir l’expérience du spectateur. Pour autant, l’esprit d’origine n’a pas disparu. « Le club a su moderniser les infrastructures sans trahir l’esprit du lieu. […] Tant qu’il restera fidèle à son histoire, il continuera à être une référence, pas seulement dans le rugby, mais dans tout le sport français ».

Cette fidélité à l’esprit originel, nourrie par les bénévoles, les supporters, les partenaires et les acteurs institutionnels, fait d’Ernest-Wallon un stade à part. Un lieu où l’on ressent l’âme du rugby toulousain, où se mêlent souffle historique et proximité. Un stade pensé pour le sport, mais vécu avant tout comme une maison. Celle d’une communauté rouge et noire qui, match après match, continue d’écrire son histoire.

Une volonté de diversifier ses activités

Si Ernest-Wallon est devenu l’un des hauts lieux du rugby français, ce n’est pas uniquement grâce aux performances du Stade Toulousain. Le club a façonné, au fil des décennies, une véritable culture événementielle où se mêlent histoire, convivialité et engagement, amenés par les acteurs qui gravitent autour du club. Parmi eux, Les Amis du Stade.

« C’est une association de passionnés. On soutient le club, on participe à la vie du stade et on crée du lien entre les supporters, les anciens joueurs et les partenaires. L’idée, c’est de faire vivre l’esprit Stade Toulousain, même en dehors des matchs », déclare Sylvie Roualdes, membre de l’association. Créée le 27 juin 2003, elle est en étroite collaboration avec le club. « On ne fait rien sans coordination avec eux. Il y a une vraie confiance mutuelle. Le Stade sait qu’on agit dans le respect de ses valeurs », poursuit Sylvie.

Cette confiance mutuelle permet aux Amis du Stade de mettre sur pied bon nombre d’événements dans l’enceinte de Wallon. Entre soirées, repas, remises de maillots, fêtes d’après match, concerts ou journées portes ouvertes, le catalogue proposé est large et varié. « On aime montrer que le Stade Toulousain, ce n’est pas que du rugby », reprend-elle. Leur présence se ressent dans l’enceinte. Certains bénévoles assurent l’accueil, d’autres accompagnent les partenaires et participent à l’animation. À Ernest Wallon, ils sont « un peu partout ». Mais pour organiser ce genre de rassemblements, le collectif a besoin de prestataires comme des agences d’évènementiel ou encore des traiteurs.

« On travaille ponctuellement avec eux, en fonction des appels d’offres et des opportunités que l’on a », explique Pauline Martinez, cheffe de projet chez SOP Events. Elle ajoute : « Notre plus gros événement avec le stade, c’est la location d’espaces pour des séminaires ». L’agence propose même des formules plus immersives pour les entreprises, incluant des ateliers de team-building, des initiations au rugby ou encore des visites guidées du stade. Ces espaces offrent des salles modulables, équipées en matériel technique et de services de restauration sur place.

« On cherche de la variété et de la qualité, avec une préférence pour les acteurs locaux »

Lors des soirées de matchs ou d’évènements organisés par le club rouge et noir, la question des traiteurs fait évidemment partie des éléments à prévoir et à ne surtout pas négliger. « On cherche de la variété et de la qualité, avec une préférence pour les acteurs locaux avec des démarches éco responsables comme le tri des déchets, une vaisselle compostable ou moins de plastique », explique Hugo Le Meur, gérant de Kumquat et Bà Hôan, deux food trucks viêtnamien, partenaires avec le Stade Toulousain. « On reçoit pas mal de candidatures, donc on sélectionne ceux qui peuvent gérer un gros volume et qui ont déjà fait leurs preuves », enchaîne-t-il. 

Sylvain Calbet en fait partie avec son food truck du même nom. « Nos produits du terroir ont plu et l’un des responsables du Stade Toulousain nous a proposé de fournir un premier buffet lors d’une réception VIP. Depuis, la confiance n’a cessé de grandir ». Le traiteur de Rieumes précise : « Nous préparons surtout des buffets d’avant-match et des réceptions d’après-match. On propose de la charcuterie locale, des pièces de bœuf et de canard confites ou encore, des desserts maison. On essaie de mettre en avant le savoir-faire régional. Pour certaines soirées privées du club, nous réalisons aussi des menus sur mesure pour les partenaires »

Le food truck Kumquat à un jour de match © Kumquat

En plus de la sélection des camions présents lors de ces rassemblements, il y a des contraintes logistiques à respecter et à anticiper. C’est une vraie organisation. Les food trucks doivent arriver en avance afin d’éviter d’éventuels bouchons. « Plusieurs heures avant, parfois même la veille », précise Hugo. Une fois arrivé, il est temps de se mettre en place. Les traiteurs doivent désormais gérer les accès à leur stand, s’occuper des branchements de tout leur matériel et voir si tout fonctionne et est installé de manière sécurisée. Enfin, ils essayent également d’optimiser au mieux les flux de supporters pour éviter au maximum une queue à rallonge.

Une fois le service terminé, il est l’heure du bilan. Hugo et ses équipes font attention au moindre détail. « On regarde les ventes, les retours des prestataires et les avis sur les réseaux. Les temps d’attente sont aussi un bon indicateur », dit-il. Cette analyse complète montre bien l’exigence qu’impose une place au sein d’Ernest Wallon. Une nécessité de bien faire les choses associé aux valeurs de l’institution toulousaine. « On travaille souvent avec les mêmes, donc il y a une vraie confiance. On échange avant et après chaque match pour ajuster ce qui doit l’être », termine Hugo. 

Un projet tourné vers l’avenir

Au-delà des performances sportives et de son rôle central dans la vie toulousaine, le Stade Toulousain aborde aujourd’hui un virage déterminant. L’adaptation de son outil principal, Ernest-Wallon, à l’échelle que le club a désormais atteinte. L’enceinte, trop souvent saturée. Elle doit évoluer pour répondre à une demande toujours plus croissante et à l’environnement urbain qui se transforme autour d’elle.

C’est dans cette perspective que s’inscrit le projet d’agrandissement porté par le club et soutenu par les collectivités. L’objectif n’est plus seulement d’ajouter des places, il s’agit d’imaginer un stade capable de répondre aux besoins des vingt prochaines années. Jean-Luc Moudenc et Didier Lacroix ont tenu a le rappeler lors d’une conférence de presse dont les propos ont été relayés par Actu Toulouse. Ce chantier dépasse largement le cadre sportif. Pour le maire de Toulouse, il s’agit d’un « projet majeur » pour « le plus grand club de rugby d’Europe », qui doit s’inscrire dans une évolution cohérente du quartier des Sept-Deniers, en lien avec ses habitants.

Didier Lacroix souligne pour sa part l’importance d’une démarche progressive  « décider, temporaliser, financer » rappelant que les choix faits aujourd’hui engageront le club pour les vingt prochaines années. L’arrivée de la ligne C du métro en 2028 rend indispensable une réflexion sur l’accessibilité du site, déjà saturé les soirs de match.

Vers une nouvelle dimension 

Autour du stade, c’est d’ailleurs un projet plus large qui se dessine avec le développement du site DROP : hôtels, bureaux, espaces multifonctions et modernisation des installations doivent faire d’Ernest-Wallon un véritable pôle de vie, dépassant sa seule fonction sportive. « Il y a 30 ans, un stade ne servait qu’à accueillir un match. Aujourd’hui, c’est un lieu de vie, on doit y trouver des services », rappelle Didier Lacroix, qui voit dans cette transformation une évolution naturelle des équipements sportifs modernes.

Si plusieurs étapes administratives restent à franchir, le lancement des travaux envisagé dès 2026 ouvrirait une nouvelle ère pour Ernest-Wallon : celle d’un stade conçu pour accompagner l’ambition sportive du club, mais aussi pour s’intégrer dans le Toulouse de demain.

Des infrastructures modernisées pour répondre à l’ambition du club

Le projet DROP ambitionne de transformer le secteur des Sept-Deniers en une véritable Cité des sports. Porté par un groupement réunissant Unibail-Rodamco-Westfield, Kaufman & Broad et Greencity Immobilier, le programme prévoit un campus sportif complet : petit palais des sports, gymnase, centre sport-santé, centre de formation multisports avec internat, ainsi qu’un musée du rugby à vocation internationale. À cela s’ajoutent des espaces commerciaux, des solutions d’hébergement en co-living et un parking silo.

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Image du projet DROP © Groupe Seuil

L’autre volet du projet concerne directement l’enceinte du Stade Toulousain, avec une modernisation profonde des infrastructures : vestiaires, espaces presse, loges, brasserie, bodega, bureaux administratifs, mais aussi la création d’un hôtel et de bureaux attenants. « Notre souhait est d’augmenter la capacité de 19 000 à 25 000 places », précise Didier Lacroix, évoquant un chantier conditionné aux soutiens publics et pensé « en fonction de plusieurs scénarios ».

Avec plus de 100 000 m² de surfaces programmées, DROP s’impose comme l’un des projets urbains sportifs les plus ambitieux de la région. Pensé pour s’intégrer dans l’évolution du quartier et accompagner l’arrivée du métro, il pourrait entrer en phase opérationnelle dès 2026, amorçant la transformation d’Ernest-Wallon en un pôle de vie à part entière, ouvert aux sportifs, aux entreprises, aux habitants et aux supporters tout au long de l’année.

Eythan NONY – – HOAREAU et Clément SAJUS

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