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CRITIQUE. La Pampa : entre intensité et inégalités

Amaury Foucher dans le rôle de Jojo à gauche et Sayyid El Alami dans le rôle de Willy à droite. Crédit : Tandem films

Après des séries comme Le Bureau des Légendes ou encore Oussekine, Antoine Chevrollier s’attaque à la technique du long-métrage avec La Pampa, sorti le 5 février dernier dans les salles toulousaines. Un film touchant, honnête mais trop désordonné. Une certaine inégalité qui rend le spectateur mitigé à la sortie des salles obscures. Revenons sur ce long-métrage 100% français.

Antoine Chevrollier, réalisateur connu notamment pour son travail sur des séries telles que Oussekine et Le Bureau des Légendes, signe avec La Pampa son premier long-métrage. Ce film, qui explore l’histoire de Willy et Jojo, deux adolescents passionnés de motocross vivant dans un village de Maine-et-Loire, aborde des thématiques fortes telles que l’amitié, le deuil, l’homosexualité et la famille. Une multitude de thématiques, qui fait souffrir La Pampa d’une narration éclatée, qui, malgré des intentions intéressantes et une mise en scène touchante, empêche le film de vraiment trouver son rythme. A travers ses personnages et son décor, le long-métrage peint également un portrait de la ruralité française, avec une esthétique rétro qui semble figer ces villages dans un passé où les mentalités, notamment sur l’homosexualité, sont souvent perçues comme « en retard » par rapport à celles des citadins. Ce choix esthétique et narratif, s’avère être l’un des éléments les plus ambigus du film, entre sensibilité et sensation de frustration.

Une multitude de thématiques, au détriment de la clarté

L’un des problèmes majeurs de La Pampa réside dans son ambition thématique. Le film se veut un portrait intime de l’adolescence, de l’amitié, des non-dits et des secrets. On y suit Willy (Sayyid El Alami) et Jojo (Amaury Foucher), deux jeunes issus d’un village isolé, dont la relation va être bouleversée par la découverte d’un secret. La mise en scène capte l’authenticité des rapports humains, mais le film souffre d’une narration décousue, avec de nombreuses intrigues non résolues ou partiellement explorées. Les thématiques sont là, mais elles restent éparpillées, ce qui laisse une impression de frustration.

Jojo et Willy. Crédit : Tandem Films

Le poids des secrets, notamment, est évoquée sans jamais être véritablement exploré. Le film effleure aussi des sujets comme la ruralité, la famille et la quête de soi, mais souvent sans aller jusqu’au bout.

Une esthétique rétro pour une ruralité figée

Un des choix de La Pampa est son esthétique rétro (bien que l’histoire se passe à l’époque actuelle), qui, loin de se cantonner à un simple style visuel, prend une dimension presque sociologique. Le village, ses habitants et leur quotidien semblent figés dans un passé lointain, comme si les mentalités y étaient en décalage avec celles des grandes villes. Ce choix donne au film une atmosphère particulière, presque hors du temps, mais aussi un sentiment d’enfermement. Ce qui ressort particulièrement, c’est le contraste entre ces villageois et les jeunes citadins, notamment en ce qui concerne des sujets sensibles comme l’homosexualité.

La motocross, au centre de l’intrigue. Crédit : Tandem Films

Dans La Pampa, l’homosexualité, notamment celle de Jojo, est perçue comme un secret honteux, quelque chose que l’on ne dévoile pas, surtout dans un contexte rural où les mentalités semblent « en retard ». Cette idée que les villages reculés seraient des lieux où l’évolution des mentalités, notamment sur la sexualité, se fait plus lentement, est palpable. Le regard des autres, notamment celui de la communauté villageoise, pèse lourd sur les personnages, comme une lourde ombre qui semble figer la possibilité d’une évolution.

Sayyid El Alami remarquable dans le rôle de Willy. Crédit : Tandem Films

Cette vision de la ruralité, cependant, n’est pas dénuée de tendresse. Antoine Chevrollier capte avec subtilité la beauté de ce cadre, entre les champs de motocross et les rues désertes du village. A travers cette esthétique rétro, Chevrollier semble vouloir dire que certains espaces de la société, notamment les zones rurales, sont toujours marqués par des mentalités conservatrices et une vision du monde plus traditionnelle. Le film dépeint une communauté figée, loin de l’évolution des citadins, sur des questions comme l’homosexualité, le secret et la manière dont il est perçu.

Une bonne réalisation et d’incroyables performances d’acteurs

Malgré une structure narrative parfois maladroite, la mise en scène d’Antoine Chevrollier mérite d’être saluée pour sa capacité à plonger le spectateur dans l’univers de ses personnages. La campagne, magnifiée par une photographie soignée, devient un véritable personnage à part entière avec ses grands espaces et ses paysages sauvages qui semblent parfois offrir un refuge et enfermer les protagonistes. Cela fait ressortir l’atmosphère étouffante de la ruralité, où les personnages se retrouvent, entre liberté et contrainte, dans un monde qui ne leur permet pas toujours de s’épanouir pleinement. La motocross, sport également au centre de l’histoire, est bien illustrée. Notamment, lors des plans séquences, en caméra embarquée pendant une course. Le temps est suspendu et c’est très réussi.

Amaury Foucher dans le rôle de Jojo. Crédit : Tandem Films

Les performances des acteurs et en particulier celle de Sayyid El Alami (Oussekine) dans le rôle de Willy apportent beaucoup de sensibilité au film. Sa prestation, à la fois sincère et touchante permet de rendre l’intensité des conflits intérieurs de son personnage. Il incarne brillamment l’adolescent en quête de repères, tiraillé entre la loyauté envers son ami et la découverte d’un secret qui ébranle l’ordre établi. Toutefois, certains personnages secondaires comme celui de l’entraîneur incarné par Artus, restent sous-exploités et leur potentiel dramatique n’est pas suffisamment mis en lumière, ce qui empêche le film de se diversifier pleinement. D’ailleurs, Artus, surprend les spectateurs, en s’extirpant de son identité d’humoriste.

Artus quitte son identité d’humoriste avec un rôle marquant. Crédit : Tandem Films

La Pampa est un film sincère, touchant, mais qui souffre d’une narration trop éclatée et d’un ambition thématique mal maîtrisée. Antoine Chevrollier réussit à capturer des instants d’émotion authentiques et à donner vie à une ruralité à la fois belle et oppressive. Au niveau de la réalisation, le film reste plutôt banal mais est tout de même efficace. Si Chevrollier parvient à structurer davantage ses récits dans ses prochains projets, La Pampa pourrait n’être que le début d’une carrière cinématographique pleine de promesses. Pour l’heure, il s’agit d’une oeuvre qui, bien qu’inaboutie, laisse entrevoir un potentiel indéniable.

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