Cantine, infirmerie… Le camp élaboré par les militants pour Ramdam sur le macadam

L’une des actions les plus attendues contre l’autoroute A69 était le Ramdam sur le macadam. Des militants écologistes venant de toute la France réunis dans un champ à Saïx tout un week-end, du 20 au 22 octobre. Et les organisateurs avaient pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer le bon déroulement du week-end.

Des manifestants occupent la CremZad à Saïx

Deux femmes et un homme cagoulé accueillent les nouveaux de sur le camp, sous un chapiteau. « La tente là-bas, c’est le pôle anti VSS (violences sexistes et sexuelles). Il y a aussi un numéro, vous les appelez si vous êtes agressé ou témoin d’une agression. » explique l’une des bénévoles. “Il y a aussi une zone non-mixte pour installer les tentes, réservée aux femmes. Des rondes de bénévoles sont organisées jusqu’à deux heures du matin, des binômes entourés d’une guirlande visibles de loin, pour s’assurer que tout le monde va bien.  

Sur une table, plusieurs fiches avec des numéros de téléphone. Un numéro pour les médics, infirmiers bénévoles qui soignent les blessés en attendant les pompiers. Un numéro pour la « Base Arrière Juridique », qui contacte un groupe d’avocats à Toulouse en cas d’arrestation. « On essaye de tout prévoir pour que tout le monde se sente en sécurité. Là-bas, on a mis une garderie en place pour que les parents puissent manifester tranquilles. » 

Ils sont des milliers de manifestants installés sur un champ prêté par un propriétaire local. Réseaux de covoiturage, créations de visuels.. Toutes les informations importantes étaient partagées sur les applications Telegram et Signal pour contourner la surveillance sur les réseaux sociaux. Chacun a ramené sa tente et ce qu’il pouvait pour aider : palettes, confitures, masques de protection.. 

La cantine des luttes, symbole de solidarité

La « cantine des luttes » se charge  de faire à manger pour tout le monde. Des dizaines de petites mains, qui ont préparé pendant trois jours des repas végan, avec une option sans gluten pour les allergiques. « Nous avons réussi à servir 600 repas chauds vendredi soir » se félicite Mireille*, une des bénévoles. Ici, les prix sont libres, il n’y a pas de minimum à donner. Mais cela permet malgré tout de rembourser les frais de la cantine. Les provisions sont installées dans un camion. Leur grande tente est divisée en deux : à droite la distribution des boissons, à gauche les repas et petits-déjeuners. Derrière eux, les bénévoles s’empressent de chauffer et servir les militants.

“Nous recevons beaucoup de dons, d’agriculteurs, de personnes qui souhaitent participer à leur façon. C’est grâce à eux que nous pouvons être là sur des rassemblements” explique l’un des manifestants. En effet, les confitures sont faites maison, ou données par des producteurs. Les légumes également. Les écureuils sont aussi soutenus par des voisins, qui leur apportent des plats chauds. 

Des bénévoles cuisinent le repas du samedi soir

Les rassemblements comme celui-ci nécessitent beaucoup d’organisation et de matériel. Des tentes, des chapiteaux, des palettes ou encore des micros et enceinte. Mais en réalité, les organisateurs peuvent compter sur la participation des militants. Beaucoup de matériel est prêté par certains locaux, d’autres ramènent ce qui peut être utile. Toutes les personnes qui ont participé à la réalisation du week-end ont d’ailleurs été remerciées et applaudies par les activistes. 

Se préparer à la répression

Dans ces milieux militants, les activistes subissent des intimidations, des volontés de réprimer le mouvement. Beaucoup sont préparés à se être arrêtés, parfois pour leur simple présence. De nombreux activistes sont masqués, et aucun ne donne son vrai prénom. “J’étais un écureuil dans le camp du Bernazobre. Mardi, ils nous ont forcés à descendre, et nous ont mis en garde à vue.” Maxime* doit donc aller pointer dans sa gendarmerie locale deux fois  par mois. Il lui est interdit de commettre n’importe quel délit, y compris de participer aux manifestations non déclarées.

Les street médics sont aussi très préparés. Des formations ont même été organisées en amont le 8 octobre pour se préparer à une répression violente. Une grande tente “Infirmerie” est installée sur le camp. A l’intérieur, le matériel de base des premiers soins, avec des pansements, du sérum physiologique pour les gaz lacrymogènes. Il est possible de récupérer des masques FFP2 pour les manifestants non-équipés. Dans une partie isolée de la tente, qui forme une deuxième pièce, un bloc opératoire d’appoint est mis en place. Un brancard, du matériel d’opération. Une situation où les règles d’hygiène ne peuvent être respectées.

Le matériel d’urgence des médics

La violence des affrontements de Sainte-Soline a marqué tous les manifestants, et particulièrement les médics. “Nous nous sommes préparés au pire. En mars, les pompiers n’ont pas pu aider les manifestants, on les en a empêché. Il y a eu des blessés très graves, deux militants dans le coma. Aujourd’hui, si les pompiers sont bloqués, nous pourrons avancer au maximum en les attendant” explique Martin*, médic depuis plusieurs années. 

Ils seront dispersés dans les différents cortèges de la manifestation. Dans les deux black bloc qui constituent les deux cortèges non-déclarés, ces soignants sont équipés de brancard. Les équipes communiquent entre elles par téléphone en cas d’urgence ou pour se répartir les tâches.  Eux non plus ne donnent pas leurs noms : ils sont aussi militants, et font souvent partie du bloc. 

Auteur / autrice