Une centaine de mineurs isolés sont actuellement hébergés au sein de l’Ehpad des Tourelles à Toulouse. Aujourd’hui encore, ils vivent dans des conditions déplorables.
Rien dans l’Ehpad des Tourelles, situé Allée des Vitarelles, ne semble bouger depuis deux ans. Ni la porte d’entrée vétuste, ni les détritus cachés dans l’allée du mur droit. Le bâtiment, au même titre que la ligne téléphonique, semble laissé à l’abandon. Même les portes du local d’entretien sont closes depuis des mois. Pourtant, ils sont environ une centaine à vivre dans la propriété du centre communal d’actions sociales (CCAS), depuis l’entrée en vigueur d’un dispositif expérimental. Le projet est soutenu par la mairie de Toulouse. L’ancien Ehpad des Tourelles héberge des mineurs isolés. Les adolescents viennent de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Nigéria, du Maghreb ou même du Bangladesh. Ils ont entre 15 et 18 ans. Après des épisodes de violence et « une perte de contrôle » de la mairie, le projet d’aide prend fin.
La violence…
Dans son courrier d’annonce, la mairie de Toulouse écrit que : « plusieurs exclusions ont été menées suite à des incidents très violents tels que les événements qui ont eu lieu les 14 et 27 décembre 2021 (NDLR : bagarre et attaque à l’arme blanche) ». Quand on parle de violence aux jeunes, ils restent solidaires : « les personnes violentes ont été mises dehors. Celui qui a voulu poignarder notre ami est parti. Quand quelqu’un de violent vient vivre ici, c’est dur pour nous aussi car il ne nous respecte pas et dégrade les locaux » explique Walid*. Pour eux, la violence découle d’abord des conditions d’hébergement : des toilettes bouchées, pas de nettoyage et des accès aux couvertures et aux douches bloqués. Les jeunes partagent à dix des chambres de 25m2, se blottissant à deux ou trois dans des petits lits.
Rien ne justifie la fermeture de l’établissement. « Si on nous met dehors, comment continuer d’aller à l’école, sans pouvoir dormir à l’abri, ni même manger ? Nous serons contraints de voler pour survivre. On deviendra des criminels. » s’effraie Issa*. Un autre rappelle sa détermination à apprendre : « je pourrais tomber dans les délits, car je mange très mal mais je ne le fais pas car je veux un avenir après les souffrances vécues ».
Des cours de mathématiques, de français ou encore de sciences sont organisés par des professeurs bénévoles. Les mineurs suivent les enseignements dans des classes aménagées. Le français est la matière la plus suivie. « On essaie de s’adapter aux niveaux et de garder un rythme pour habituer à la scolarisation », explique un professeur, ingénieur de métier. Les classes ouvertes à tous risquent d’être bien vides avant les grandes vacances.
…Et le recensement
Le 12 janvier, un recensement a eu lieu, dans le centre des Tourelles. Sur une centaine de jeunes, seulement six se sont fait recenser. Ces six jeunes migrants « pourront être accompagnés vers d’autres solutions d’hébergement adaptées » selon la mairie. Les autres résidents ont refusé. « Le protocole de recensement n’a pas été respecté par la mairie. Nous avons décidés de tous nous rendre dans le séjour et de donner seulement quelques informations comme nous l’ont conseillés nos avocats », explique Djamal*. « La mairie voulait que nous soyons dans les chambres pour venir nous voir un à un. Mais le problème est que de nombreux jeunes n’ont pas de chambre. Ils n’auraient pas pu être recensés » déplore un autre.
Marie, docteur de l’association Médecins du monde, a été surprise par l’idée de ce recensement : « C’est étrange de vouloir recenser, puisqu’il y a toujours des arrivées et des départs ici. Ça bouge tout le temps ». Pour la mairie, il s’agit justement d’assurer « un suivi des entrées et des sorties, inhérent à toute structure d’hébergement et d’accompagnement ». De cette manière, seuls les moins de 18 ans, nécessitant l’aide de l’Etat français, peuvent bénéficier du lieu « car il n’y a pas que des mineurs » déclare une source interne de la mairie. « Aucune expulsion n’est prévue. Surtout pas durant la trêve hivernale, sans la fin des procédures administratives et judiciaires et sans une tentative de discussion avec les locataires restants » affirme-t-elle.
Un seul repas par jour
À midi, un camion de nourriture arrive. Chaque lundi et mercredi, les adolescents sont ravitaillés par la banque alimentaire. Depuis deux mois, l’association de Delphine* roule jusqu’à l’Ehpad des Tourelles. « Nous sommes deux associations à venir apporter à manger. Grâce à la banque alimentaire, les produits sont payés par l’Etat » explique la livreuse.
« Heureusement que les bénévoles sont là. Ce sont eux qui nous nourrissent et qui apportent de la bonne nourriture. Nous ne mangeons qu’un seul repas par jour. Au début, c’était du riz, tous les jours ! On est presque tous tombés malades car on n’arrive pas à le digérer », raconte Lawi* devant des caisses de champignons, poireaux et tomates.
La livraison dure une heure. Les mineurs transportent des caisses en plastiques remplies de conserves, de briques de lait, de paquets de chips ou encore de poulets. Les boîtes sont amenées dans la cuisine. Les produits sont rangés dans la réserve non sans quelques disputes. Les résidents se jettent surtout sur les plaquettes de chocolat et les chips. Quelques jeunes s’en vont les grignoter en cachette.
De nombreux produits périssables se retrouvent dans les poubelles ou dans le couloir en attendant d’être jetés. Une pile de yaourts périmés jonche le sol depuis quatre jours. Dans les poubelles laissées ouvertes à l’extérieur, un pot de crème affiche une date de péremption du 27 janvier. « On n’a pas le temps de tout manger. Des fois, on reçoit la nourriture déjà périmée depuis plusieurs jours et là, on ne peut rien manger du tout, sinon beaucoup tombent malade » déplore l’un des jeunes.
Vendredi 4 février, à 18 heures, une manifestation organisée par les associations aura lieu place du Capitole à Toulouse.