Djalla Maria Longa : Derrière la montagne.

Djalla Maria Longa a grandi en autarcie. Crédit : Thomas Naudi
Djalla Maria Longa a vécu en autarcie perchée au cœur d’une vallée ariégeoise. Longtemps, elle a voulu voir l’autre côté de la montagne. Une fois son but atteint, arrivée à la ville, elle s’est sentie différente. Mais selon elle, ce ressenti résulte d’une affaire de confiance en soi, et en ses projets.

Djalla Maria Longa a vécu en autarcie perchée au cœur d’une vallée ariégeoise. Longtemps, elle a voulu voir l’autre côté de la montagne. Une fois son but atteint, arrivée à la ville, elle s’est sentie différente. Mais selon elle, ce ressenti résulte d’une affaire de confiance en soi, et en ses projets.

Nous sommes au cœur de l’hiver. Un quatorze décembre. La neige tombe en abondance. Les parents de la petite Djalla lui demandent de partir chez le voisin, accompagnée de ses frères et sœurs. Les enfants s’exécutent. Ils se couvrent de la tête aux pieds et sortent de la maisonnette. A l’intérieur, il ne reste plus que les parents au coin du feu, éclairés par une lampe à pétrole. La mère de Djalla va bientôt accoucher, c’est imminent. Le père va l’aider. Au bout de quelques dizaines de minutes, les enfants sont de retour. “Quand on est revenu, j’avais 7 ans, je m’en souviens encore, on est entré dans la maison, ma mère avait fait un lit près de la cheminée avec le bébé dedans, les draps étaient dans de l’eau chaude, à côté du placenta. Voilà le décor d’un accouchement à la maison”, sourit Djalla Maria. Des années plus tard, les souvenirs sont intacts. Elle et ses huit frères et sœurs, sont venus au monde au cœur du salon de cette maison nichée dans la vallée, où la nature est seule voisine trois kilomètres à la ronde.

Atteindre l’inaccessible 

Petite, Djalla dansait devant un radio-cassette qui crachait du Francis Cabrel. Déjà, l’apparition du petit poste avait bouleversé son enfance en autarcie.

“J’ai huit frères et sœurs. Nous n’allions pas à l’école, non, mais nous travaillions du matin au soir pour nous nourrir”, raconte-t-elle à travers l’écran d’ordinateur qui a permis cette rencontre. Enfant, Djalla a toujours voulu atteindre l’inaccessible, voir de l’autre côté de la montagne, sillonner les chemins de traverse jusqu’à rejoindre le village d’en bas. Car enfant, Djalla se sentait différente des autres. Et les autres, le lui faisaient bien sentir. 

“Au début, je pensais que notre enfance était normale, banale car on ne sortait pas de la vallée. En grandissant on se rend compte que nos copains vont à l’école, qu’ils ont des vêtements de marque. Lors de notre première sortie en extérieur, au village, on regardait les gens comme si c’était des extraterrestres et vice-versa. Un jour je me suis rendu compte qu’ils me regardaient avec un air vraiment insistant et je me suis dis qu’en fait, ce n’étaient pas eux qui étaient différents, mais nous.” 

La différence paraît inaccessible, mais pour Djalla, ce mot n’existe pas. “Ma mère avait eu sa blessure avec ce monde là, et elle voulait nous l’interdire. Elle pensait que cette vie qu’elle nous donnait n’était que bonheur. Aller en bas de la vallée c’était interdit, et moi je me posais beaucoup de questions, je me disais « puisque c’est interdit, je veux y aller »”.

« J’étais la petite brebis égarée »

Djalla voulait trouver un travail, des amis. Un jour, elle a descendu la montagne, a passé son BAFA, sa première expérience “avec des gens”. Pendant des années, elle a rêvé de la ville, de ses bruits sans retenue et de son rythme effréné. “Quand je suis arrivé à Avignon j’étais la petite brebis égarée, se souvient-elle. J’avais toujours voulu me fondre dans la ville, mais au final, j’étais complètement en marge, je n’avais pas d’argent, je me suis ennuyée, alors que dans mon enfance, ça ne m’était jamais arrivé. Je me suis sentie différente car je ne suis pas allée à l’école. J’étais jeune et, quand on est jeune, on pense souvent que le problème vient de nous alors que je n’étais pas différente. Mais ça, on ne s’en rend compte que lorsqu’on prend confiance en soi.”

Mira, la sœur de Djalla, dit d’elle qu’elle a toujours cru en ses rêves. “Elle fonce et se donne les moyens de réussir. Gare à celui qui voudra l’en empêcher », sourit-elle. 

Au fil du temps, la petite fille qui n’avait jamais mis un pied à l’école est devenue écrivaine.

Son premier ouvrage, “Mon enfance sauvage”, raconte cette vie derrière la montagne, à rêver d’ailleurs. Il illustre l’enfance en autarcie de Djalla et sa fratrie. “En lisant, j’ai découvert des choses sur ma soeur, raconte Mira. Nous, frères et sœurs, n’avons pas vécu notre enfance de la même manière.” Aujourd’hui Djalla est retournée à Massat, en Ariège, village de son enfance et elle a réussi. Elle a réussi à concilier l’éducation qu’elle a elle-même reçue avec la modernité du monde d’aujourd’hui pour élever ses enfants. “C’est un juste milieu à trouver”, lâche-t-elle en souriant. 

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