Deux commerçants font de la prison pour vente de CBD

Vincent et Nicolas sont les deux gérants de la franchise StreetShop, ils possèdent quatorze enseignes implantées en Europe. Le but de leur commerce : vendre des accessoires pour les fumeurs. « Bang », « Grinder », »Vaporisateur »… Un nouveau style de commerce qui est en pleine expansion dans les villes françaises.

Il y a un an, Vincent et Nicolas passaient leur première nuit en prison. L’avant veille, ils étaient placés en garde à vue avant un passage en comparution immédiate au tribunal de Toulouse pour « incitation et provocation à l’usage et au trafic de stupéfiants » et pour « détention et offre de stupéfiants » . Arrivés devant le juge, après une trentaine d’heures de cellules, les deux associés ont demandé un report du procès afin de ne pas passer en comparution immédiate. Les faits étaient pourtant loin d’être clairs car ils soulevaient un retard de la loi française vis-à-vis de la loi européenne.

« En étudiant la loi, on a vu que la cour européenne a autorisé le chanvre, à moins de 0.2 % de THC, comme le chanvre industriel. On a décidé d’en vendre donc légalement  » explique Vincent. Pourtant, il a été arrêté et condamné à deux mois de prison ferme, car il commercialisait du CBD, un cannabinoïde beaucoup moins puissant que le cannabis ordinaire qui a une teneur inférieure à 0,2 % en THC. Selon la loi européenne, le CBD peut être commercialisé sous toutes ses formes. Mais en août 2017, suite à la médiatisation de la vente de ce nouveau produit dans les StreetShops toulousains. La gendarmerie a décidé de perquisitionner le magasin situé Rue Sainte-Ursule derrière le Capitole.  » Le magasin a été fermé durant sept mois avec une banderole marqué POLICE sur le magasin, mon collègue et moi sommes passés en correctionnelle puis en cour d’appel. Entre ces deux procès, nous avons passé deux mois de détention à Seysses, alors que nous sommes finalement juste des commerçants qui vendent un produit légal dans toute l’Europe ».

Le CBD s’avère autorisé mais pas sous toutes ses formes.

Le StreetShop toulousain vendait du CBD sous forme de fleurs ce que l’on appelle des « têtes » dans le jargon. C’est ce qui a porté préjudice aux associés puisque selon la loi française : Certaines variétés de cannabis ou de chanvre, dépourvues de propriétés stupéfiantes, peuvent être utilisées à des fins industrielles et commerciales, seules les graines et les fibres avec une teneur inférieure à 0,2 % en THC peuvent être utilisées. L’utilisation des fleurs est quant à elle interdite.

Une chose ne concorde pas donc entre la loi européenne et française. Pourtant, les lois européennes sont censées prévaloir sur les lois françaises. Pour les deux associés, cette longue histoire n’est pas encore terminée. « À ce jour, nous attendons le verdict de la cour d’appel de Toulouse, qui elle-même attend le statut de la cour européenne sur le sujet du CBD.
Nous avions pourtant tout fait dans les règles et toujours fait preuve de transparence. Nous nous battons toujours, malgré les intimidations perpétuelles, mais nous sommes certains d’une chose, il nous faudra des années pour être innocentés et espérer un dédommagement car il s’agit de la responsabilité de l’État. » Conclut Vincent.

Qu’en pensent les consommateurs ?

Les StreetShops sont en plein essor en France, qui est pourtant l’un des pays les plus restrictifs sur la consommation de cannabis. Le CBD est vendu sous forme d’alternative au cannabis pour stopper les consommateurs réguliers. « Le CBD ça permet de consommer moins de THC , mais on retrouve quand même ce plaisir de fumer « . Voilà ce qui ressort le plus chez les personnes interrogées. Eléa, 25 ans et six ans de consommation régulière se sent déçue par cette interdiction : « je trouvais le concept vraiment pas mal, tout ressemble à la marijuana, la seule chose qui manque ce sont les effets psychotropes, je ne verrai pas pourquoi il serait interdit, cela reste une plante ». Pierrick a 22 ans et consomme occasionnellement. Il ne comprend pas pourquoi il y a tant de problèmes avec cette plante.  » Le chanvre reste une plante très utilisée dans de nombreux domaines et pas une drogue. Médicalement le CBD a de nombreuses vertus tout le monde le sais. L’interdire ? Je trouve ça ridicule, autant interdire le tabac alors.  »

La majorité des avis recueillis rejoignent ceux de Eléa et Pierrick, mais Aurélien, 35 ans et ancien consommateur comprend lui cette interdiction  » j’ai beaucoup consommé étant jeune, et je pense que finalement le CBD reste une drogue. Par ailleurs, elle pourrait donner envie de goûter au cannabis » explique t-il.

Pour l’heure, la loi française se veut claire en matière de commercialisation de produits issus du cannabis, un flou persiste tout de même dans la pratique autour du CBD.

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