Démission de Bouteflika : le début d’un long processus pour les Algériens vivant à Toulouse

Abdelaziz Bouteflika n’est plus président de l’Algérie. Dans la soirée du 2 avril, l’homme qui régnait depuis plus de vingt ans sur le pays a communiqué sa décision de démissionner. Un véritable soulagement pour les Algériens expatriés à Toulouse, qui restent cependant méfiants quant aux événements à venir.


« J’ai l’honneur de vous notifier formellement ma décision de mettre fin au mandat que j’accomplis en qualité de Président de la République, à partir de ce jour » Ces paroles, écrites par Abdelaziz Bouteflika dans sa lettre de démission adressée au Conseil constitutionnel, ont raisonné comme une délivrance dans le cœur de Kamel Hadji. « Ça a été un réel moment de joie. J’avais six ans lorsqu’il a accédé au pouvoir donc ça représente quelque chose de fort. On a pu respirer un petit peu, mais rien n’est encore joué. » Le 22 février, cet expatrié algérien de 24 ans, découvre avec émotion les images exceptionnelles de son peuple, descendu dans les rues d’Alger notamment pour s’opposer au cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Dès lors, il prend conscience de l’ampleur du mouvement et crée le collectif Algérie Démocratique Toulouse : « Notre objectif était de réaliser d’importants rassemblements, place du Capitole, avec un maximum d’Algériens de la communauté algérienne de Toulouse et de l’ensemble du Sud-Ouest. »

Entre deux clients, derrière son étalage rempli de fruits exotiques, Ben Cicadoura confie lui aussi son enthousiasme : « On est heureux, vraiment contents d’avoir réussi à l’éjecter du pouvoir. Désormais, nous voulons un bel avenir pour l’Algérie. » Installé en France depuis maintenant vingt ans, ce primeur algérien ne demeure pas moins concerné par la situation de son pays natal : « Déjà par les liens du sang. Puis pour nos familles qui habitent là-bas. On aimerait bien que les jeunes Algériens restent au pays et que nous aussi, les expatriés, retournions y vivre ».

« On a remporté le premier round, à présent gagnons le second »

Ben Cicadoura, expatrié algérien, qui espère retourner vivre en Algérie. – Emmanuel Clévenot

Le sourire communicatif de Ben Cicadoura s’efface au moment d’aborder les perspectives d’avenir. D’un ton grave, forçant sa voix pour couvrir le brouhaha du marché de Jeanne d’Arc, il dénonce avec virulence le système en place : « Le gouvernement actuel soutenait la présidence. Il faut que tout le monde dégage, comme le peuple le demande. Ils doivent se barrer pour qu’on redémarre à zéro. » Les mains dans les oranges, une cliente d’un certain âge s’immisce dans la conversation : « Mais y a-t-il seulement quelqu’un pour reprendre le flambeau ? ». « Il y en a plein Madame ! Ils n’aiment pas le dire dans les médias mais il y en a plein. Beaucoup ont d’ailleurs fui en Europe par peur du gouvernement militariste, mais ils sont présents ».

Mohamed Nadir, co-fondateur du collectif Algérie Démocratique Toulouse avec Kamel Hadji, fait parti de ces Algériens qui ont fui leur pays pour pouvoir mieux militer :

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Venu réaliser ses études d’ingénieur aéronautique en France, Xander Liham est monté à deux reprises sur Paris pour montrer son opposition non seulement au cinquième mandat de Bouteflika mais plus encore. « Si Bouteflika n’est plus, ses hommes d’affaires, ses militaires et sa famille, eux, sont bien présents. Ils représentent la partie immergée de l’iceberg. La plus dangereuse. » Car si le président a démissionné, c’est un de ses fidèles, Abdelkader Bensalah, qui assure l’intérim. Une oligarchie toujours en place, qui pousse les Algériens à revendiquer une métamorphose profonde du système…

Une seconde république plane dans les esprits

En quelques jours, l’idée s’est rependue comme une traînée de poudre et la voilà, à présent, dans la bouche de tous les Algériens anti-Bouteflika : « l’instauration d’une seconde république ». En piétinant les règles de la démocratie et en modifiant la constitution en sa faveur, l’ex-président a semé un sentiment fort de méfiance envers les élections. « On ne pourra pas parler d’élections tant qu’on est avec cette première République. Il faut donc écrire une nouvelle constitution avant d’ouvrir les urnes », s’exclame, déterminé, Kamel Hadji.

Comment bâtir une nouvelle Algérie ? Assis sur les marches d’un escalier, des lunettes de soleil vissées sur le nez, Mohamed Nadir traduit son désir de voir le peuple algérien devenir souverain de son avenir : « J’espère que le mouvement aboutira à la création d’un conseil national de transition ou d’une assemblée constituante. Peu importe la forme juridique que cela prend, l’important est qu’il soit formé par le peuple et constitué de la société civile ! ».

Sur le point de repartir, le militant algérien se retourne avant de préciser :
« Le 29 avril, le collectif Algérie Démocratique Toulouse organise un événement socio-culturel axé sur le débat. Il y aura un concert, avec de la musique algérienne, de la poésie algérienne puis nous débattrons sur l’avenir de l’Algérie. » Toutes les propositions seront répertoriées et feront l’objet de la contribution de la communauté algérienne du Sud-Ouest de la France lors d’un grand débat qui se prépare en Algérie…

Emmanuel Clévenot

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