Portrait. Clément Bonpoil : « je recherche le rire incontrôlé »

À 26 ans, Clément Bonpoil est en train de se faire une place dans le monde de l’humour. Rien ne prédestinait cet ingénieur à monter sur scène. Pourtant depuis presque deux ans, Clément Bonpoil s’affiche et se fait remarquer pour son humour parfois cinglant. Portrait de cette figure montante de la scène humoristique française.

Né à Nantes, Clément Bonpoil est avant tout un scientifique féru de mathématiques. Titulaire d’un bac S, le jeune lycéen ne brille pourtant pas par sa réussite en la matière. « Je tournais à 8 de moyenne en maths, ma prof m’avait même dit que je finirai pizzaïolo, une phrase qui n’a aucun sens ! » se souvient Clément en rigolant.

Pourtant, il persiste et intègre une école d’ingénieur.  Aujourd’hui, il est employé dans une entreprise sous-traitante d’Airbus. Mais les mathématiques ont encore une grande place dans sa vie, puisqu’il écrit pour la revue « Inclassables mathématiques. » « J’ai envie de rendre les maths cool, et de ne pas les laisser à ce qu’on apprend au collège et au lycée. » En mars dernier, il décroche d’ailleurs un record du monde, celui de la vitesse de mémorisation et de récitation des décimales de Pi, soit plus de 10 décimales par seconde. Il devient alors le premier européen à entrer au Pi Century Club de l’institution Maths Genius World Records and Awards. Un record qu’il n’hésite pas à tourner en absurde sur scène.

Clément Bonpoil avec son certificat de record du monde / Crédits : Clément Bonpoil.

Côté humour, tout commence quand il s’inscrit sur un site de castings. Il obtient rapidement un poste de figurant dans un clip de « Ridsa ». Une première expérience qui va lancer sa carrière. Pourtant, Clément n’y apparait que quelques secondes. Mais sa personnalité va marquer les réalisateurs : « le tournage a duré plusieurs heures, et moi j’apparais une seconde dans le clip en train de jouer du piano. Mais j’ai tellement fait le con sur le tournage qu’on ma proposé d’autres rôles », se rappelle le jeune humoriste. 

Suivront un rôle de policier dans la web-série « STO avec Farid et Oussama », qui cumule aujourd’hui plus de 10 millions de vues sur Youtube, ainsi qu’un rôle principal dans un court-métrage thriller anglais « The Shoes », nominé dans plusieurs festivals aux Etats-Unis, et vainqueur d’un Award en 2017.

Synesthésie et débuts dans l’humour

Lorsque l’on rencontre Clément, on comprend rapidement qu’il possède une personnalité bien à lui. Tant dans son attitude que dans sa manière de se présenter. Et puis d’un coup, tout s’explique lorsqu’il se met à parler de sa synesthésie. 

La synesthésie est un phénomène neurologique où deux ou plusieurs sens sont associés les uns aux autres. Sa mère, Chrystelle, se souvient : « il était capable de restituer des dates précises de moments familiaux anciens avec une précision par rapport aux vêtements que nous portions ces jours là, la météo, sans que ces moments soient des évènements familiaux importants. Il pouvait s’agir de jours « ordinaires », mais lui était capable de nous décrire l’ambiance, les couleurs, les odeurs de ces journées. Ses cinq sens semblaient s’associer en même temps pour faire de ces jours ordinaires des jours particuliers.« 

Un cerveau où tout se mêle et s’entremêle, et qui ne s’arrête jamais, « il a le cerveau tout le temps en éveil, on est parfois fatigués pour lui« , poursuit sa maman. Pour Sébastien, l’un de ses collègues, Clément est toujours en recherche de réponses : « il ne se prend pas au sérieux, ce qui est pour moi un signe de grande intelligence. Clément est doué dans ce qu’il fait, mais ce n’est pas son travail qui le fait avancer, il est constamment à la recherche de réponses à des millions de questions sur le sens de la vie.« 

De nature timide, Clément va pourtant mettre du temps à accepter sa synesthésie. C’est finalement dans une vidéo Youtube, accompagné de Fabien Olicard, qu’il en parlera publiquement pour la première fois. Une vidéo devenue virale, qui atteint aujourd’hui plus de 63 000 vues, et qui lui permettra de se faire remarquer par Anne Roumanoff, pour qui il écrira des sketchs pendant 6 mois.

Un humour absurde et noir

Depuis, Clément a continué son chemin avec un humour bien à lui, qu’il pense plutôt tenir de son père. Un humour qui choque parfois sa maman : « des fois, elle me dit : oulala Clément, tu es sûr que tu peux dire ça ? Mais je le dis quand même et quand je le fais, je la visualise en train de se cacher dans son écharpe. C’est une maman… » Clément est proche de sa famille, qu’il voit très régulièrement selon sa mère. Et il se dit chanceux d’être entouré de ses proches : « j’ai une famille formidable qui me soutient dans tout ce que j’entreprends. »

Clément est également très apprécié de ses collègues. « Il est né pour donner aux autres alors plus il donnera à un grand nombre de gens et plus il sera heureux », commente Sébastien, qui voit Clément comme son petit frère : « je souhaite vraiment qu’il trouve sa voie. Et si c’est le monde du spectacle qui le rend heureux, alors il faut qu’il soit connu dans toute la France et même dans le monde. On a beaucoup à apprendre de son humilité et de son humour. En tous cas je le soutiendrai toujours comme un grand frère…« 

Le secret de Clément, c’est de n’avoir aucune auto-censure. « J’apprends au maximum et je recherche le rire incontrôlé, et pour ça, je pense, du bas de mes 26 ans, qu’ il ne faut pas de censure. Les gens qui viennent à mon spectacle, ils savent ce qu’ils viennent écouter, et ils viennent pour ça », renchérit l’humoriste. 

Clément Bonpoil à la Comédie de Toulouse / Crédits : S.H

Des blagues à l’humour cinglant, qui peuvent lui venir à n’importe quel moment. « Les journées ne sont pas assez longues. Mais dès que j’ai une vanne qui me vient, je l’écris et je la teste auprès de mes collègues, sur scène ou à la radio, dans une chronique que j’anime. J’ai d’ailleurs écrit une de mes dernières chroniques humour dans un avion entre Toulouse et Brême. » Un humour cinglant qui séduit les spectateurs comme ses collègues. Alix, qui a travaillé plusieurs mois avec Clément explique : « dans la vie de tous les jours, Clément est très à propos et souvent fin. Sur scène, il est un peu plus noir mais il me fait tout autant rire. »

Mais qui dit humour cinglant ne veut pas dire vulgaire, et c’est ce côté qui plaît à Dominique, une amie de la famille : « il ose aborder tous les sujets, sans exception ni tabou. Mais il n’est jamais vulgaire, il ne tient jamais de propos grossiers, contrairement à d’autres humoristes. »

Ingénieur le jour et humoriste la nuit, le jeune homme se satisfait pleinement de son train de vie chargé. D’ailleurs il ne s’imagine pas quitter son travail d’ingénieur : « j’en ai besoin, c’est bien de rester proche des préoccupations des gens, d’avoir les galères quotidiennes au boulot, de tomber dans les bouchons … »

Ingénieur, humoriste auteur de sketchs et de spectacles, acteur, rappeur, compositeur, chroniqueur radio… Clément Bonpoil vit à 100 à l’heure, et préfère ne pas penser trop à l’avenir. Mais une chose est sûre, s’il y a bien une chose qu’il aimerait un jour faire, c’est jouer son spectacle dans sa ville natale, Nantes.

En attendant, si vous voulez le découvrir, vous pouvez vous rendre à la prochaine date de son spectacle, « le prochain sera mieux », le 16 avril, dans l’annexe de la Comédie de Toulouse.

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